La partie était en réalité très loin d’être terminée.

Tout s’enchaina très vite. Alors que la pression retombait dans la pièce vide, laissant place à un vent de déprime et de tristesse, Eileen n’eut même pas le temps de souffler qu’elle se fit projeter dans un nouveau cauchemar sanglant et sans limite. Un vaste terrain de football, trônant sur l’amont d’un immeuble vertigineux. La demoiselle n’osa même pas contempler le paysage plus longtemps, de peur de perdre l’équilibre rien qu’à la vue de l’horizon. De toute manière, c’était assez peu faisable, tant les lumières du stade les aveuglaient tous. Sans même que toute la troupe puisse prendre ses repères, déboula un groupe de monstres tout aussi difformes que les précédents. Néanmoins, ceux-ci semblaient vraisemblablement plus malins, et par la même occasion plus agaçant. Toujours dans un considérable appétit de chair humaine, ils s’élancèrent tous à la chasse à l’homme, commandé par une sorte de pousse de mauvaise herbe déjantée.

Cependant Eileen ne prit pas le temps de plus s’attarder à analyser ses adversaires, sachant qu’un d’eux commençait à sérieusement lui coller le train. Le semer n’était pas une mine affaire, d’autant plus que les esquives et diversions ne seraient pas suffisantes pour venir à bout du colosse enragé.
Et pour rendre cette situation encore plus agréable, Kuwabara refit soudainement surface. Il s’élança sur le monstre pour le déstabiliser en taclant férocement sa jambe. L’alien s’effondra alors lourdement sur une des cages du terrain, probablement confus. Cette intervention du célèbre violeur était pour le coup, héroïque. Cependant, bien que n’ayant passé que de courts (mais interminables) instants en sa compagnie, Eileen se doutait bien qu’il ne le faisait nullement pour glorifier son image auprès d’elle, ou pire, lui venir en aide. Reprenant son souffle, la demoiselle foudroya son partenaire du regard, une main sur la poitrine.

« J’ai vraiment tout gagné, moi.. »

Mais il n’était pas l’heure des règlements de comptes ; la bestiole enragée allait tôt ou tard finir par se relever.

Kuwabara adressa un sourire mesquin à sa "partenaire". Gantz avait vraiment un sens de l'humour débordant. Et le hasard, ou le destin - quoique ce soit, était sans doute beau joueur aussi.

Le Gantzer reporta alors son attention sur le Martien qu'il venait de tacler, misérable Goliath affaibli sur son propre terrain. Le colosse tentait de se redresser, sonné par le choc imprévu qu'il avait encaissé. Kuwabara bondit au dessus du Smoker et atterrit sur son dos, réduisant cet effort à néant. Amusé, il s'empara des dreadlocks crasseuses et lui fit relever la tête férocement.

" Alors du con, tu crois que tu vas te qualifier pour la Coupe du Monde ? Ha ha ha ! "

Le violeur voulait souiller l'orgueil de l'alien pour le faire enrager, le rendre vulnérable. Il voulait jouer au chat et à la souris, se foutant royalement du sort d'autrui. Il se sentait de toute manière capable d'éradiquer chaque Martien ici présent. Remonté comme un taureau devant le matador, le Smoker se redressa. Kuwabara sauta de son perchoir, atterrissant au sol. Avec un grand sourire arrogant, il toisa le barbare qui se tenait désormais debout face à lui.

" Enervé, sac à merde ? "

Cette nouvelle injure déclencha la fureur du Smoker qui essaya de saisir d'un coup le cloporte qui le tiraillait. Commença alors une sorte de danse grotesque entre Kuwabara et l'autre. L'un esquivait, l'autre attaquait. Si le fuyard ne répondait pas aux assauts répétés et nerveux d'une façon physique, il titillait l'esprit du grand crétin en l'insultant sans cesse, se raillant complètement de lui. La rage du Martien était plus noire encore que le néant.
Inconsciemment mené jusqu'à la cage de but, le géant finit par foncer à l'instar d'un buffle sur sa cible, qui se fit une joie d'esquiver en le surpassant, pour mieux se moquer du choc violent entre le métal et le corps mastoc du lancier.

" Ha ha ha ha, va, ça te rendra pas plus laid ! "

Et la mascarade s'éternisa, contrastant avec les combats périlleux tout autour.

Décidément, aucune situation ne semblait déstabiliser le malsain Kuwabara, qui gratifia Eileen d’un sourire des plus glaçant, et révoltant. Alors que l’adversaire semblait sonné, le jeune homme lui bondit férocement dessus, ne cessant de le provoquer le plus possible. La bestiole réagit au quart de tour, et brutalement redressée, enchaina une valse avec Kuwabara. Ils s’esquivaient, se mitraillaient du regard, et n’avaient qu’une envie, se sauter férocement dessus pour se démolir mutuellement. Pour le coup, Eileen ne remarquait pas grande différence entre les deux protagonistes : tous deux étaient semblable à des bêtes, des monstres, des cauchemars.

L’agresseur décida de s’amuser, prenant visiblement satisfaction à enrager son adversaire, puis le lynchant ridiculement. Il se percuta dans le décor qu’il déforma allègrement, probablement autant que son visage affreux.
Eileen resta immobile, à contempler la mascarade qui avait lieu devant elle. Elle ne savait trop quoi dire, tiraillée entre un désir d’hilarité et à la fois exaspérée. Malgré tout, Kuwabara l’inquiétait fortement. Il apparaissait comme complètement imprégné dans son duel, faisant abstraction totale du reste autour de lui. Mais la demoiselle craignait un brutal retour de manivelle, ou il passerait soudainement dans une toute autre phase. D’autant plus qu’elle se demandait s’il violerait cette bestiole aussi. Cette dernière était pourtant terriblement écœurante, émanant une odeur fétide qui prenait fermement aux narines, ainsi qu’une carcasse répugnante, mais néanmoins, peut-être que s’il possédait un trou humide il pourrait être au gout de Kuwabara.

Qu’ils en finissent, et vite.