Lee déboula, hache de service en main gauche, X-Gun dans l'autre et canon pointé au hasard du vide devant lui.
En face de lui, une masse importante encore plus sombre que l'ensemble, était figée, certainement au niveau de la réception.
Même s'il appuyait sur les gâchettes, rien ne se passait, et le scanner ne fonctionnait toujours pas, même si une brève image apparut l'espace d'une fraction de seconde.

" Qu'est-ce que c'est que ce délire... " murmura le pompier suspicieux.

Il frôla le brancard laissé à l'abandon sur le chemin alors qu'il progressait à pas de velours dans cet environnement hostile.
Il entendait autour de lui des plaintes étouffées qui lui glaçaient le sang. Sa gorge se nouait tout à coup.
En dessous de sa blouse et de sa combinaison, il transpirait la peur.

Sakyo suivit le pompier et entra dans le hall conquis par les ténèbres, quelques secondes après lui. Le sentiment de crainte fut similaire: l'écrivain ne voyait absolument rien en ce lieu, et les complaintes obscures lui glacèrent les os presque autant que lors de son arrivée dans le couloir, alors qu'ils avaient pu trouver le vieil homme caché sous sa blouse.
Voyant Lee pointer son arme dans une direction, Sakyo tenta d'observer ce que le jeune homme pouvait bien viser. Mais le scanner ne permettait même pas d'en voir plus: seulement une masse noire. Le souvenir de son erreur avec le vieillard qui fut leur première victime surgit alors, faisant régner la crainte de se tromper une seconde fois. Mais heureusement, le romancier avait retenu la leçon...

*Putain... On voit rien ici...*

Dans le noir, il ne pouvait qu'agir avec une certaine approximation. Il y avait un avantage cependant: pas d'objets jonchant le sol, seulement des bancs et des chaises. Aussi, ils pourraient se déplacer plus facilement. Mais quant à voir l'éventuel ennemi, c'était autre chose...
La peur était bien présente, mais Sakyo avait réussi à faire ressortir un certain courage en s'étant battu contre les précédents monstres. Et maintenant que le danger était connu, il se sentait suffisamment capable de se défendre. Il eut alors les idées suffisamment claires pour trouver un moyen de faire réagir la masse sombre, découvrir ce qu'elle pouvait bien être, et cela, sans trop s'approcher d'elle.
Il revint sur ses pas, poussa le brancard jusqu'au niveau de Lee, puis lorsqu'il fut suffisamment bien placé, le poussa de toutes ses forces après s'être assuré au préalable que ce dernier ne serait pas bloqué par quelques chaises sur sa course. L'idée était simplement de percuter la chose que visait Lee sans nécessairement la blesser. Après tout, si c'était un humain (et il y avait de fortes chances pour que c'en soit un), ce serait la meilleure manière d'agir.

Mais dans cette course, il eut une idée... Lorsqu'ils avaient tué leur première victime, cette dernière se montrait humaine, mais comportant de nombreuses griffures. Si bien qu'après avoir vu les "Doctors", il se demanda s'il ne s'agissait pas là d'une variété de martiens qui auraient la morphologie d'un vieil homme blessé...
Si cette dernière se montrait identique sur la masse inconnue, alors la question ne se poserait sans doute pas... Il faudrait tirer.
Mais en attendant, le danger ne venait pas seulement de cette chose noire: il était tout autour d'eux...

Suivant Sakyo à contre-cœur, Yarashin pût vite découvrir de visu la source de l'obscurité.
Des ombres, en grand nombre, dévorant la lumière avec avidité.
L'otaque sentit une présence derrière lui alors que ses boyaux se contractaient.
Puisant dans ce qui lui tenait lieu de courage, il se retourna pour faire face à la menace.
Ce n'était que la fan du leader.
Elle avait donc décidé de les suivre.
Cherche de quoi barricader le couloir. murmura-t-il avant de se retourner.
Un brancard filait prêt à affronter la horde.
Un objet le stoppa.
Le brancard chuta, attirant enfin l'attention des créatures qui gémirent lugubrement.
Yarashin scrutait les ténèbres mouvantes, cherchant à déterminer si la masse avançait vers eux, si la panique qui menaçait sa contenance avait une raison d'être libérée.

Déterminée à relever la tête et être utile, Konoe décida d'obéir à la directive du petit bedonnant à lunettes.
Dès qu'elle arriva dans le hall, elle entreprit donc de chercher de quoi bloquer l'accès, mais l'obscurité était telle qu'elle ne percevait vraiment que très peu son environnement. Il fallait que ses yeux s'habituant aux ténèbres.

Tenant compte des effroyables mugissements qui s'élevaient dans l'épaisse noirceur, elle se rapprocha instinctivement du leader, reconnaissant sa carrure parmi toutes les autres.

" Sakyo-sama... "

Un murmure plein d'interrogations, avide de réponses, bercé par l'inquiétude de l'inconnu qui se dressait infailliblement devant eux.

"Nom... Nom de dieu..."

Les ombres se distinguèrent dans la nuit, et Sakyo comprit alors que ce n'était pas une illusion: ces voix étaient bien là, et maintenant, on discernait une véritable foule. Foule qui était pourtant imperceptible il y avait de cela une vingtaine de minutes...
C'était tout bonnement improbable: Comment pouvaient-elles se trouver là alors que tous les groupes avaient exploré les étages, ne laissant clairement pas la possibilité à une telle masse de descendre un étage entier? De plus, il semblait qu'aucune porte ne se soit ouverte... C'était comme si ces choses étaient restées tapies dans l'ombre, attendant le moment où le groupe le plus faible s'annoncerait pour attaquer de nouveau...
En tout cas, Sakyo était presque sûr d'une chose: ces ombres n'étaient pas humaines. Tout à l'heure, dans le couloir, les trois derniers doctors avaient surgi de l'obscurité alors même que l'on pouvait apercevoir la quasi-totalité du couloir avec les reflets lunaires. De toute évidence, certains adversaires avaient la possibilité d'apparaître de la sorte...

"Vous trois, baissez-vous! Yarashin, je compte sur toi pour me couvrir si ces trucs se montrent hostiles!"

C'était simple: si l'on remarquait leur présence, alors ces choses étaient des ennemis. Seuls les martiens pouvaient voir les gantzers... Et d'après les informations recueillies avec Kyou et Reika durant son intermission, il semblait que certaines créatures pouvaient avoir des voix humaines... Aussi, ces complaintes, même si elles lui fichaient une peur bleue, il savait qu'il n'avait pas à se baser dessus pour risquer un nouveau danger.
Il allongea sa lame sur une longueur impressionnante de quatre mètres, tant et si bien que malgré la légèreté d'origine du fusil et du katana, il peina à tenir l'arme correctement. Son but était de créer une attaque circulaire au cas où ces choses iraient se ruer sur eux. La main gauche calée sur le manche du katana, la droite sur le canon du fusil, il tenait son arme à la manière d'une batte de baseball, prêt à effectuer un homerun mortel qui serait peut-être capable d'abattre une bonne dizaine de ces choses.

"Ces trucs ont entendu le brancard, mais on ne sait pas si elles nous voient. Si c'est le cas, c'est simple, ce sont nos ennemis. Préparez-vous mais restez accroupis!"

Sakyo s'était attendu à une éventuelle attaque. Mais le pire survint lorsque la lune réussit à percer les nuages, envahissant le hall de son reflet: Oji Chan était bien là, blessé, avec les nurses le collant presque. C'était la première fois que le groupe du jeune écrivain pouvait voir ces fameuses créatures vivantes. Et pourtant, malgré leur quantité et la peur qu'elles lui inspiraient, il se surprit à penser que ce n'était pas si difficile... Après tout, Antonio était certes fort, mais sans sa combinaison, il ne l'était pas au point de pouvoir arracher la tête de l'une d'entre elles de la sorte!
De toute évidence, même si leurs scalpels risquaient de les blesser à peu près aussi grièvement que les Doctor avaient meurtri Kentaro, ces monstres avaient sans doute une constitution relativement faible qui faisait qu'ils pourraient les combattre... Yarashin saurait les avoir avec ses clous, le pompier aurait sans doute suffisamment de force dans les bras pour les avoir avec ses outils et le romancier lui-même se sentait capable de les tenir à distance. Le seul problème, c'était Konoe... Mais il se doutait qu'elle essaierait de faire de son mieux et voire même d'immobiliser quelques-uns de ces ennemis.

Le problème actuel était qu'il fallait agir immédiatement, car les nuages commençaient déjà progressivement à recouvrir la lune et le vieillard avait de nouveau attiré l'attention sur lui. Sakyo devait agir immédiatement et dans l'urgence. Il n'était tout simplement pas envisageable d'essayer de se glisser parmi ces monstres pour le sauver, d'autant plus qu'il risquait de faire du bruit à tout moment. Mais il était aussi tout à fait absurde de les attaquer de front...
Puisqu'il n'avait pas le luxe du temps, il s'approcha à pas de loups, après avoir chuchoté à Konoe (puisqu'elle s'était collée à lui): "Reste à distance. Contente toi de les repousser avec la lance." faisant bien attention à ne faire aucun bruit de sa marche. Il avait aussi rétracté sa lame... L'index sur la bouche, il fit comprendre par l'intermédiaire d'un geste de "tir" que Yarashin devrait le couvrir. Ensuite, il fit comprendre à Lee, grâce à un mouvement de main vers le sol et une imitation de coup de crosse de ne pas attaquer maintenant et de rester synchronisé avec lui.

Son projet était simple: puisque ces choses étaient aveugles, elles semblaient ne réagir qu'au bruit. Et un bruit puissant de toute évidence, puisqu'ils étaient arrivés en courant dans le hall sans les alerter. Alors, quand il fut à environ deux mètres de la masse de chair, il prit son perchoir à perfusion de la main gauche et visa approximativement du même côté. Puisqu'ils étaient à peu près formés dans une ligne, c'était ce qu'il y avait de mieux pour leur permettre une offensive par surprise.
Dès qu'il jeta son tube de métal, espérant que ce dernier ferait suffisamment de bruit, il reprit son fusil comme dans la position précédente, allongeant encore une fois sa lame. Mais il n'aurait sans doute pas le temps de l'allonger autant que tout à l'heure, avec le temps de chute.

Lorsque les Nurses entendraient le bruit, logiquement, elles devaient se tourner vers ce dernier. A ce moment là, Sakyo et les autres en profiteraient pour attaquer la meute en essayant de ne pas faire trop de bruit... Le pistolet à clous n'était pas si bruyant. L'écrivain, lui, retint profondément sa respiration afin d'éviter d'expirer trop bruyamment. Mais il espérait au moins en cueillir trois dans son attaque... Il fallait espérer aussi que Lee sache en faire autant et se battre de manière aussi efficace que Sakyo l'espérait.

Bien qu'impulsif, Lee n'en était pas moins intelligent.
Comprenant la situation périlleuse dans laquelle se trouvait Oji Chan, le pompier s'était discrètement déplacé de sorte à écourter la distance entre la foulée de monstres et lui-même. A quelques mètres à peine, il guettait comme un fauve, repérant la position du jeune premier qui donna le signal une fois prêt, tentant une belle diversion.

Tout allait bien se dérouler...

Pas si sûr que ça.

Au moment où la tige de métal frappa le sol, toutes les créatures de l'ombre poussèrent un rugissement atroce et se tournèrent immédiatement vers leur nouvelle cible. Parallèlement, une source de bruit beaucoup plus puissante explosa... dans la poche de Lee.



Les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, le pompier se figea d'effroi. La radio qu'il transportait jusque là (souvenez-vous...), par précaution et dans l'espoir de détecter les créatures, fonctionnait "enfin". Le volume à fond et reliée à une diffusion J-Pop des plus transcendantes, sur une musique incroyablement entraînante et kitch - digne d'un générique de Dragon Ball, inondait le hall. Le chanteur, idole des adolescentes et même des femmes un peu plus mûres, se déchaînait. Ici, le public n'était autre qu'une dizaine d'extraterrestres, au moins autant surexcités que les groupies habituelles.

" Je suis cuit... " murmura-t-il.

Avant même que quiconque n'ait le temps de vraiment réagir, les Martiens Nurse se jetèrent sur l'infortuné.

Alors commença un carnage dont la violence était indescriptible. D'abord, Lee hurla à s'en exploser la glotte, saisi d'une terreur sans précédent en voyant la vague monstrueuse qui s'abattait sauvagement sur lui au clair de Lune. Il tenta une riposte, enfonçant sa hache dans le torse d'une infirmière qui ne broncha même pas. A l'instar du souffle enflammé qui l'avait propulsé dans le cauchemar de Gantz, il se retrouvait désormais face à une nuée similaire et d'autant plus meurtrière. Vulgairement écharpé comme un vieux torchon, le sang giclait avec chacun de ses membres, arrachés par les mains et armes avides des monstres dotés d'une vélocité stupéfiante.
Sa chair était sauvagement écartelée alors que les infâmes créatures émettaient de longs soupirs de jouissance en commettant cet acte.

Bientôt toutes recouvertes du sang de Lee qui respira une dernière fois, suffoquant dans ce qui lui restait de gorge, alors que la musique joyeuse et festive entourait sa mort improbable et brutale...




Quelle jolie musique.

Yarashin répondit par une suite de signes d'une main, se désignant de la paume, puis les yeux de l'index et du majeur avant de désigner Sakyo.
Dans son esprit, ça voulait dire qu'il attendait un signal visuel.
Il évaluait ses chances de se faire repérer s'il tentait d'en abattre une.
Dix créatures, juste le nombre de clous dans son arme.
Mais combien en fallait-il pour en abattre une?
Il comprit la démarche du Leader et guetta le moment où le vacarme déchainerait la horde.
Puis ce fut le chaos.
Au vacarme bestial se superposa les expectorations civilisées d'un stimulateur de prépubères puis celles, tout aussi mélodieuses, du pompier.
Et le barrage de la raison céda.
OmondieuonvatousmourirellevonttousnousboufferpourquoiceconaouvertlaportejauraisduresterchezmoiDU CALME!
Inspirant profondément, l'otaque réfléchit.
Le son est incroyablement fort, elles ne peuvent plus nous percevoir. Je peux les avoir. Et même recharger pour les achever! Ouais! Elles vont toutes y passer!
C'est l'heure du plombage!!
Il parlait haut, mais bien en deçà de la musique.
Remplit d'un optimisme artificiel, Yarashin vida son chargeur sur la masse qui achevait ce qui restait du pauvre Lee.

*Un... Deux... Tr...*

Un décompte futile après le son du métal fracassant le sol. Si tout s'était bien déroulé, Sakyo aurait très certainement pu cueillir l'âme de trois de ses adversaires au moins. Et pas la même occasion, permettre une offensive efficace et le sauvetage du vieillard. Au lieu de cela, le coup mortel qu'il avait préparé s'était perdu dans le son d'une musique totalement improbable... Émanant de la poche de Lee.

"Oh non, pas toi..." fit-il dans un murmure.

Et c'est ainsi qu'avec pour fond sonore une chanson particulièrement exécrable, faite sur mesure pour les adolescentes en chaleur, le pompier se assaillir par la dizaine de Nurses, sous le regard ébahi de l'écrivain qui était resté les bras en l'air, le coup préparé mais pourtant incapable d'abattre son arme sur la masse. Non pas parce que le spectacle était peu gratifiant pour son acolyte, voire même traumatisant... Mais pour la simple et bonne raison que c'était... Complètement improbable. Voilà tout.

*Nom de dieu... C'est pas possible, c'est une blague. Y'a que dans les films qu'on peut mourir aussi bêtement...*

Une pensée clairement étonnante pour un personnage de sa trempe. Mais il était clair que la situation était tout bonnement incroyable. Finalement, ce qui le sortit de sa pause de statue fut la pluie de clous s'abattant sur ses adversaires. Comprenant que l'offensive avait été engagée (certes, il le comprit vraiment très tard), il se prépara de nouveau à attaquer, tenant sa lame de par le canon de son fusil. Il l'avait allongée sur quatre mètres cette fois-ci. C'était certainement assez suffisant pour attaquer tout un groupe amassé autour d'une seule et même personne. Mais une seconde pensée lui avait traversé l'esprit...

*Si la radio marche... Alors les flingues aussi?*

Un seul coup n'allait certainement pas suffire à toutes les tuer, aussi, il concentra un maximum de sa force tout en s'accroupissant, étant prêt à réitérer les coups au moins quatre fois de suite avant de rejoindre son ami franc-tireur. Mais ce n'était pas tout: il avait visé la masse en verrouillant les ennemis avec une première gâchette en même temps, plaçant plutôt alors sa main droite sur le canon et la gauche sur la gâchette. Lorsqu'il fut suffisamment accroupi pour réussir à porter son attaque sur un maximum de ses ennemis (qui étaient désormais penchés sur le cadavre du pauvre pompier), il déchargea alors toute sa force et sa rage en une attaque salvatrice qui serait suivie alors trois autres... Et cela, tout en appuyant sur la deuxième gâchette.
Que ne tente rien, n'a rien...
Certes, attaquer un tel groupe d'un coup était insensé, mais le soutien de Yarashin l'y avait poussé. Et puis il y avait peut-être cette chanson aussi... Non pas qu'elle était entraînante, loin de là. Elle était simplement terriblement forte. Et peut-être aussi qu'étrangement, ce serait cette musique qui annoncerait la réactivation des armes. Auquel cas, Gantz aurait été tout simplement fidèle à lui-même.

Réceptive aux ordres de Sakyo, Konoe s'était mise en position accroupie, serrant contre elle son arme de fortune, stressée et peinée par la situation périlleuse dans laquelle se trouvait le grand-père. Et une fois de plus, le monde qui l'entourait devint infernal et insensé.

Le pompier hurla et fut éparpillé aux quatre coins du hall par les abominations sans visage.
Cédant au désespoir, Konoe ne hurla pas. Elle n'en avait même plus l'énergie. Vidée, elle assistait impuissante à ce cauchemar éveillé dans lequel elle était impuissante. De chaudes larmes dévalaient ses joues au teint blafard.

C'est alors qu'une ombre à la rapidité inégalable se rapprocha, contournant Sakyo puis...


Nez à nez avec une créature au delà de toute description, Konoe sombra immédiatement dans la démence.
Ce qu'elle avait vu, ce semblant de visage, cette vision surpassant toutes les horreurs qu'elle avait enduré cette nuit, avait ébranlé les derniers fondements de son esprit.

Une lame fendit l'air, et le sang gicla en torrent de l'épaule coupée de la traumatisée, qui s'effondra en silence malgré la douleur. La terreur était bien plus forte.
Etalée au sol, l'esprit agonisant, elle demeurait dans un état désastreux, proche de la crise d'épilepsie.

Et le coupable s'envola dans un craquement morbide, disparaissant au sein des ombres du plafond désormais aussi incertain que le sol.

Le sourire de Yarashin s'envola comme ses illusions.
Les créatures étaient parvenues à extrapoler sa position et fonçaient sur lui en grognant.
Lâchant son arme vide, il fouilla dans se poches à la recherche d'une solution.
Viteuneidéevitvitvitunearmeunediversionveutpasmourirviiiite!
Il sortit de la gauche un marteau de bricolage dérisoire face à cette horde et de l'autre un téléphone portable.
Pianotant à la vitesse de la lumière, il plia un genou pour le faire glisser sur le sol.
Le téléphone fila sur le carelage alors que le lecteur musical se mettait en route et que le hautparleur hurlait de toute sa puissance.

Lui même effectuait quelques pas dans la direction opposée, vers le couloir, le marteau changeant de main pour mouliner dans le vide.

Le premier coup de Sakyo fut bien porté, mais pas avec le brio auquel il s'attendait. Ces créatures étaient pourtant attirées par le son, alors comment faisaient-elles pour esquiver de la sorte? D'autant plus que c'était de manière assez imprévisible, comme si elles n'étaient que des marionnettes tenues par un enfant qui ne serait pas suffisamment patient pour les utiliser correctement. L'écrivain s'était alors apprêté à attaquer une seconde fois, comme prévu. Bien qu'elles aient esquivé de manière étrange, les coups répétés devaient forcément les atteindre au bout d'un moment. Mais impossible...
Car à l'instant où il avait tenté de porter son coup, une ombre à la forme arachnéenne l'avait frôlé. Ce fut comme une incroyable course. Cet instant fut si bref qu'au moment où il comprit qu'il avait risqué sa vie n'arriva que quelques secondes après. S'il n'avait pas été attaqué, la peur l'avait pourtant poignardé, à tel point qu'il avait regardé brièvement son corps, se tâtant légèrement pour savoir si ce monstre ne l'avait pas attaqué sans qu'il ne s'en rende vraiment compte.
Bien entendu, il allait bien, mais il n'eut pas le temps de se rassurer: en se retournant pour savoir où elle était, il pouvait voir la créature attaquer Konoe dans le noir, sans qu'il ne puisse vraiment savoir de quelle manière elle avait pu fendre l'épaule de la pauvre adolescente, avant de s'en aller dans les ténèbres des hauteurs de l'étage.

"KONOE!" avait-il hurlé. Grave erreur...

Se retournant de nouveau vers la masse d'ennemis, il avait réalisé que la radio de feu Le Pompier ne fonctionnait plus. Aussi, son cri futile avait certainement mené ces choses vers lui, laissant certaines autres s'en prendre à Yarashin. Mais ce dernier eut alors un éclair de génie...
Jetant l'arme au début, Sakyo avait presque perçu cela comme une résignation. Mais loin de là: Zurui balança son propre portable sur le sol, déclenchant une musique tout bonnement épique, s'accordant étrangement avec la situation. Du métal, pas vraiment le genre de musique de Sakyo, mais il ne put s'empêcher de penser qu'elle était géniale. Et surtout, elle lui sauverait la vie! Il se retint de crier, mais tout en se déplaçant vers Konoe, il adressa un pouce relevé au jeune lycéen.

*Zurui, tu es absolument génial!*

Mais son enthousiasme baissa d'un coup lorsqu'il se retrouva aux côtés de Konoe... Ils s'étaient trop éloignés du couloir et il ne pouvait simplement pas se résoudre à peut-être attirer les nurses là où il y avait encore un blessé. Ne trouvant alors pas de meilleure idée, il la prit par son épaule valide, la traînant à moitié vers la réception. Ce ne fut pas vraiment difficile: elle était légère et trop paniquée pour gesticuler dans tous les sens. Ce qui restait cependant beaucoup plus effrayant qu'on ne pouvait l'imaginer. Alors tout en l'amenant dans le bunker de fortune, il lui murmura quelques paroles, espérant vainement que cela l'aiderait.

"Allez, c'est qu'une seule blessure... Tu peux t'en sortir, j'en suis sûr... Tu pourras te rattraper, j'en suis certain... Reste avec moi..."

Le sang ayant giclé en un torrent infâme, il dû presser la plaie durant son déplacement. Lorsqu'il fut enfin posé, il prit sa "baïonnette" et découpant une seconde lanière de cuir du bas de son manteau. Avec la longueur, il pouvait encore se le permettre. Puis il essaya de faire un garrot sur l'épaule de la jeune fille, complètement inerte. En passant pas l'aisselle, il serra le cuir au maximum. Lorsque le garrot fut placé, il accorda une ultime attention à l'adolescent, collant son front contre le sien.

"Reste... Je ne veux pas que tu meurs... Pas toi... Pas encore une fois..."

En se relevant, il plaça trois chaises à roulettes devant la zone où se trouvait Konoe, espérant que si elle se faisait attaquer, cela suffirait à retenir un quelconque ennemi quelques secondes, le temps que l'écrivain intervienne. Puis il se mit à courir vers les nurses qui suivaient le bruit, tout en inspectant vaguement les hauteurs. Lorsqu'il fut à environ six mètres d'elle, il continua d'avant en marchant, visant dans le vague pour empaler l'une d'entre elles, la tête dans l'idéal. Quand ce fut fait, il actionna son katana afin de projeter la lame s'agrandissant vers l'ennemi, espérant tout de même pouvoir attaquer derrière lui si on le prenait par surprise...

Tout semblait avoir fonctionné comme il le souhaitait. Les nurses avait en majorité suivi le son du portable, libérant le pauvre corps du pompier. Zurui, lui avait encore été suivi par l'une de ses créatures, mais Sakyo ne s'était pas vraiment inquiété. Sans doute que ce drôle de personnage trouverait un moyen de se défendre, mieux encore qu'avec son marteau. Quant à l'attaque du romancier, elle réussi à porter ses fruits, mais aussi bien qu'il l'espérait. A vrai dire, il avait visé vaguement, mais au moins, il avait atteint sa cible qui avançait vers lui comme un véritable zombie.

Contraint de rester sur place et continuer à meurtrir son adversaire, Sakyo se voyait immobilisé alors qu'il avait le privilège de l'attaque. La nurse se rapprochant, il se sentait bêtement de plus en plus en danger. Mais l'apogée de sa peur survint au moment où il sentit un poids s'abattre sur son épaule gauche.
Presque figé, il n'osa pas regarder immédiatement ce qui lui était arrivé. Il croyait vraiment avoir été blessé, mais en fait, ce fut pire... De la chair était tombée du plafond, et Sakyo ne pouvait que savoir à qui elle appartenait...

"Konoe..."

La pauvre n'avait pas été plus meurtrie que ça, heureusement, mais cet acte qui était pourtant très certainement involontaire fut perçu comme un affront. Comme si ce monstre voulait exhiber sa puissance en se servant des corps des plus faibles... La vision du Stoned arrachant les cœurs de ses alliés lui revint alors en mémoire... Et plus particulièrement celle du corps inerte de Saki, la seule qui l'avait vraiment accompagné lors de la mission.
D'un coup, son visage se crispa de colère, et son regard combatif s'était transformé en une véritable rage. Non pas celle de vaincre, mais la même qu'il avait ressentie en voyant le Stoned. Celle qu'il avait ressentie lors de cette injustice, de cette déshumanisation évidente...
Il prit un peu mieux son fusil et le fit tourner en même temps que la baïonnette, de façon à mettre la lame vers le haut dans la poitrine de la nurse. Lorsqu'elle fut parfaitement verticale, il se retourna en posant le canon sur son épaule, de façon à faire levier en relevant son arme. Puis en un cri de colère, il appuya sur le crosse, tranchant alors le monstre en divisant son visage en deux parties.

"JE VAIS TE TUER!"

Derrière lui, la nurse s'effondra en laissant s'écouler une quantité phénoménale de sang, venant rougir encore un peu plus le sol de l'hopital qui avait été, quelques minutes plus tôt totalement immaculé. Quand Sakyo ne rencontra plus de résistance avec la chair, il reprit l'arme en main, rétractant sa lame. Il savait bien qu'il ne pourrait pas planter son arme dans le plafond aussi facilement, mais il savait où était le monstre. Et de toute évidence, il s'était apprêté à l'attaquer, puisque la chair de la pauvre Konoe était tombé sur lui même.

"Descends enfoiré! Je vais te massacrer! Descends de ton perchoir, pauvre merde!"

Bien qu'il aie hurlé, il pensait encore que les cinq autres monstres seraient dominés par la musique. Mais actuellement, il ne se posait plus vraiment de questions à propos de ça. Il n'avait qu'une envie: celle de tuer cette créature. Il visait alors l'obscur plafond, prêt à allonger sa lame dès que la chose lui tomberait dessus. Mais même si la rage était là, il savait bien qu'il ne pouvait pas se contenter d'attaquer de la sorte. Quand elle arriverait, il la planterait, mais si cette chose n'était pas ralentie, il était tout aussi prêt à plonger, les jambes déjà fléchies, maintenant à la fois sa position et le préparant à l'esquive.

Yarashin arrivait à court d'options.
Son marteau prit à bout de manche avait légèrement plus d'allonge que le scalpel, mais celui-ci était bien plus rapide.
Tout ce qu'il pouvait faire, c'était limiter les dégâts.
Tirant de la main gauche sur la lanière de l'ordinateur, il érigea ce dernier en protection ventrale, le coin supérieur gauche couvrant en partie sa poitrine.
Il dégaina ensuite son pistolet qu'il agita à son tour, l'actionnant de temps à autre dans le futile espoir de le voir fonctionner. Le but était d'arriver à placer un coup sur le poignet qui tenait le scalpel.
C'est alors qu'il trébucha.
Le fusil glissa et prit sa place sur la hanche, achevant de le déséquilibrer.
L'otaque bascula dans une parfaite et involontaire roulade arrière
Une de ses chaussures ne supporta pas l'accélération et s'éjecta droit vers la tête de la créature.

Himiko d'Inaba était arrivée à la suite du groupe d'éclaireurs, abandonnant Vargas et Kentaro dans le couloir obscur. Elle était désolée pour eux, mais devait se soucier en priorité de protéger ceux qui pouvaient l'être. Le hall, vaguement éclairé par la lune, était envahi de morts vivants et plus ou moins tout le monde avait l'air d'être déjà blessé. Elle prit un court instant pour analyser la situation. Le point positif, c'était que les nurses semblaient totalement aveugles, ne réagissant qu'aux sons.

L'un des sons en question, le plus remarquable d'entre tous, était un morceau de musique metal émanant de la mêlée des infirmières aliens, tandis que le Futaro Yamada en herbes s'égosillait contre le plafond. L'autre chose la plus remarquable était le combat burlesque dans lequel se trouvait engagé l'otaku. Un duel épique, marteau contre scalpel, patient contre infirmière, gros otaque contre infirmière sexy. La noble princesse hésita une courte seconde à tirer sur Zurui, par pur réflexe féministe, mais expédia finalement une balle en direction de la poitrine de l'infirmière, afin de sauver son coéquipier inventif.

"Repliez-vous dans ma direction, les femmes et les otaku d'abord !" Lança-t-elle dans leur direction dans l'espoir de séparer un peu le groupe d'infirmières, afin de les attaquer directement au corps à corps par petits groupes plutôt que toutes ensemble.

Après avoir hurlé comme un fou, Sakyo avait pu entendre deux coups de feu. Le premier était dans son dos: la princesse avait tenté d'aider l'otaku en tirant sur l'infirmière qui l'agressait. Mais le second lui avait glacé le sang... Car la balle était venue se loger dans le sol, juste à côté de ses pieds. L'impact s'était fait ressentir dans tout le bas de son corps, et l'écho qui avait résonné semblait avoir amplifié la puissance du tir, si bien qu'il ne semblait même plus s'agir d'un tir, mais du hurlement d'une créature, peut-être même le souffle d'un dragon qui aurait craché son feu. Cela lui avait rappelé la fois où il s'était fait tuer face aux yakuza, sur le chantier...

*Merde... J'arriverais jamais à l'avoir...*

Et ce n'était pas tout: la musique avait cessé et désormais, deux infirmières s'étaient mises à courir vers lui, au même titre que l'autre binôme qui était désormais assailli par quatre de ces créatures en tout... La difficulté n'était plus vraiment dans le combat contre ces étranges femmes, mais dans le fait que les hauteurs imperceptibles du hall étaient habitées par un, voire plusieurs ennemis...
Se replier dans le couloir était hors de question: Vargas y était avec Kentaro, et ils ne pouvaient pas vraiment se battre tous les deux. Et de toute manière, même si c'était possible, le fait que les infirmières aient arrêté la musique changeait tout: elles étaient toutes agressives et un trop grand groupe dans ce couloir serait définitivement mortel.
Ils étaient piégés comme des rats, tout simplement.

*Putain... Je peux faire quoi?*

Il se sentait tout à fait capable de combattre les nurses, mais en ce qui concernait les hauteurs, c'était autre chose. Il n'avait absolument rien pour attaquer ce monstre à une telle distance. Et il n'était pas capable de le voir dans le noir... Cependant...

*Quel idiot! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt?*

Il savait comment avoir cette chose, ou tout du moins, il en avait une idée. Mais actuellement, la vitesse que prenaient les infirmières était alarmante, et il ne pouvait pas se permettre de rester sur place à cet instant. Il allait devoir être particulièrement rapide et en perpétuel mouvement pour éviter les balles qui risquaient de pleuvoir sur lui.
Son arme étant alors inutile en tant que fusil, puisqu'il ne pouvait plus se contenter de seulement tenir ses ennemis à distance, il défit la lanière de cuir tout en courant vers la "lance" de Konoe qui était restée au sol. Il jeta donc son arme à feu, puisqu'elle ne lui servait à rien puis, dans une roulade, attrapa la lance de sa main gauche, ayant équipé sa main droite de son katana. Il se dépêcha ensuite de faire une course en zigzaguant vers ses deux adversaires, tout en allongeant sa lame de manière à lui donner une longueur simple, d'à peu près un mètre. Son assaut commença alors, accompagnant son attaque d'un ordre:

"Himiko! Passez moi votre arme dès que possible!"

Une fois à environ trois mètres de ses adversaires, il garda la lance à la hanche, de façon à la tenir solidement contre lui tout en attaquant une première infirmière, préparant par la même occasion un coup de sabre vertical sur la deuxième, son notebook protégeant son flanc droit grâce au fait qu'il soit porté en bandoulière. Il savait qu'il n'était absolument pas certain de les tuer de cette manière, mais au moins, il pouvait en immobiliser une en encombrant sa poitrine de l'arme de fortune. Quant à l'autre, il espérait seulement pouvoir porter correctement son coup... Et aussi que la lame de son adversaire n'était pas suffisamment aiguisée pour transpercer son cuir et son ordinateur...

Yarashin reprit sa position verticale sans trop comprendre ce qui s'était passé, le contact froid du carrelage lui signifiant qu'il devait être plus attentif à la fixation de ses chaussures.
Son adversaire saignait abondamment et se trouvait allongé à quelques mètres de lui.
L'otaque crut une seconde être tiré d'affaire, mais il déchanta quand il entendit le craquement d'une coque de plastique écrasée et surtout le silence qui s'ensuivit.
Pire, la créature se relevait, insensible au flot brunâtre qui suintait de sa tête pour disparaitre dans sa poitrine.
Il lui fallait une nouvelle diversion.
Se souvenant de la fiche, il rengaina son pistolet pour sortir son appareil photo.
Du pouce, il le mit en mode caméra et de l'index, il actionna le flash.
Lançant l'enregistrement, il le fit glisser vers ce qu'il lui semblait le centre de la pièce.
La lampe du flash diffusait une forte lumière, apportant un éclairage inquiétant sur les alentours.
Cette lumière épuiserait rapidement la batterie, mais il espérait que ces créatures "aimaient" vraiment la lumière.
Parant à toute éventualité, il dégaina le pistolet, continuant à reculer vers le couloir.