Les cris de la foule retentissent, et sous l’œil empli de tendresse de son détracteur, une jeune fille d’apparence banale de quelques années sa cadette, Keita se déverse de son sang, laissant sur le sol de la place principale de Nagoya une marre d’un rouge très sombre. Percé de part en part au niveau du foie par ce qui semble être un wakizashi, un katana de type court, Keita ne peut retenir un cri face à la douleur accablante qu’il subit, tombant à genoux sous le poids de celle-ci, choqué par la gravité de ce qui vient de se produire en un temps si bref. Les yeux dans le vague, il se demande si sa vie s’arrêtera de cette manière, assassiné par une désaxée dont il a rejeté les sentiments. Après tout, lui qui hait tellement les gens, peut-être est-ce la fin qu’il mérite, la fin vers laquelle tendaient chacune de ses actions jusqu’à présent. La jeune fille se met face à lui, et serre doucement le visage de Keita contre son buste.
«C’est parce que je t’aime Keita, ne m’en veux pas. Je m’appelle Hitomi, ne l’oublie pas ! Un jour je te rejoindrai, alors reste aussi parfait qu’en cet instant, et attends-moi…»
Si Keita en avait la force, il rirait presque face à tant d’idiotie, lui qui considère qu’un corps mort n’est que de la nourriture pour les vers. N’ayant aimé qu’une seule personne dans sa vie, il ne peut comprendre que l’on puisse ressentir un tel attachement pour un inconnu. Pourtant, paradoxalement, cette étreinte mortelle ne le laisse pas indifférent… Tout devient flou, brumeux, la réalité se dissipe pour laisser place à l’incertitude et les questionnements. Malgré son détachement de ce monde, il ne désire pas mourir, il ne s’en rend compte qu’à cet instant, et se demande pourquoi sa mère hante ses pensées, lui qui croyait avoir fait le deuil de cette relation. Ses membres perdent peur à peu de leur tonus, ses yeux se ferment, et il se laisse aller à un sommeil qui l’apaisera de ses souffrances…