Le Viel homme est épuisé…
Épuisé par une longue vie tumultueuse, à œuvrer pour l’ordre, la paix et la sécurité de la péninsule qui l’aura vu naître, quelques décennies auparavant. Déchiré entre conciliation et fermeté, compromis et combats ardus, il aurait vu sa vie filer telle une étoile filante.
Autour de lui, un pays nouveau a peu à peu émergé, s’imposant comme une puissance mondiale, riche et futuriste. Non pas qu’il n’a pas joué un rôle actif dans ce renouveau. On ne peut certainement pas dire qu’il a chômé, à ce niveau là. Pour autant, s’il reste un acteur actif de ce monde, le vieil homme s’interroge parfois de la place qu’il tient encore dans celui-ci.
Sa santé décadente, son honneur et celui de ses pairs séniles, rien de tout ça ne semble avoir d’importance aujourd’hui. Les enjeux sont bien différents. Mais les choses ne sont pas forcément toutes nouvelles. L’ennemis d’hier, devenant l’allié d’aujourd’hui, et inversement, l’argent, immuable nerf de la guerre, les clans, toujours aussi vindicatifs, qu’importe les manœuvre d’anéantissement opérées. Non, certains facteur disparaissent, d’autres apparaissent, mais les fondamentaux restent, hélas. Mais le vieil homme est fatigué. Il se sent décrépir sous le poids de ses responsabilités. Pourtant, il lui faut les assumer. Qui d’autre sinon ? Goro Suzuki ? Déjà mort, même s’il l’ignore. Harundo Akamatsu ? Trop virulent. Son manque de sagesse le perdra. Non, si Toshiro Harada n’a peut-être plus sa place dans ce monde, il reste le mieux placé pour tenir celle-ci.


Sur son bureau, deux vieilles photos, en noir et blanc. Lui, dans sa jeunesse éclatante, prêt à rebâtir le pays. Et Megumi, sa tendre Megumi. Sa disparition semble remonter à une éternité, au point qu’il en vient parfois à oublier sa sublime voix d’ange. Mais son visage, lui reste ancré dans ses pensées, qu’il soit au repos, comme ici, sur son fauteuil, à fumer sa vieille pipe, ou au ministère, en train de recadrer ses troupes, vérifier ses comptes, ou établir une nouvelle stratégie. Un visage qu’il ne reverra peut-être jamais, tant le vieil homme doute que son âme sœur puisse un jour, à nouveau appartenir au même monde que le sien. Trop d’eau a coulé sous les ponts, trop d’arbres ont poussés, trop de fleurs fanés, pour espérer qu’il puisse subsister encore quelques bribes de son âme envolée au firmament. Quant à lui, il avait trop changé, en toutes ces années, s’était endurcit, avait pris une route différentes, à sens unique, vers une destination inévitable…

Mais cette destination était encore trop lointaine à son goût. Il ne l’atteindrait pas aujourd’hui, mais s’efforcerait de l’attendre demain, car lui seul en est capable…