CivilShin Kokusei | |
Sam 15 Aoû 2009, 22:52 |
| Tenjo Kugen revenait du métro, après avoir tué un adolescent dans les rues de Tokyo. Son esprit pourtant était parfaitement serein, il n'avait ni regret, ni honte, pas plus que toutes les fois où il avait causé la mort d'un individu, pendant toutes ces années, malgré le fait qu'il ait commis le meurtre horrible d'un "innocent"... Non, personne n'est tout à fait innocent dans ce monde, même les jeunes. Même les enfants. Après tout, il avait écraser deux yakuza de l'ancien clan de Kugen. Des petites frappes sans importances... Tout comme lui. Mais tels sont les règles du Karma que tout acte est parfaitement justifié à son hégard... Et que chaque acte entraîne des répercusions, des conséquences. La loi immuable de la Cause et de l'Effet. Immuable ? Non, pas totalement. Après tout, Kugen était sur le point de s'en libérer. Et il le savait. A moins que ce ne soit simplement ce qu'il croyait ? Au regard du Ciel, cela n'avait pas d'importance, car Ses décrets sont immuables, et personne ne peut sortir de la Paume de Vairocana...
Tenjo Kugen, avait convoqué quelque temps plus tôt une bonne partie du gumi dans lequel il était né, le Gumi Okada. Son père, le Saiko Komon Izumi Masanobu était présent, ainsi que deux de ses "frères d'armes" et plusieurs dignitaires du clan yakuza. Ils attendaient dans la cour du Ratei-ji que Kugen daigne se manifester à eux. Mais pour l'heure, celui-ci était au coeur du temple, dans l'autel où se trouvait une magnifique statue dorée de Kannon aux mille bras, sculpté et ciselée avec un art du plus parfait achèvement, par un artiste ancien au talent consommé. Kugen fît le salut rituel bouddhiste, gassho, devant Kannon, entourrée des statues des quatre deva.
"Kannon-sama, vous ressemblez à mon ex... Avec des bras et des yeux en plus. Mais vous êtes tout aussi jolie. J'espère que quand j'irais au paradis (si j'y vais, cela s'entend) nous aurons une longue discussion."
Kugen grimpa sur l'estrade, sans penser à mal, et du plat de la main caressa le beau visage de la déesse de la miséricorde. Il sourrit et descendit, avant de s'incliner avec le plus profond respect, devant la déesse si chère et si familière au coeur des japonais, pour son sourrire bienveillant, exprimant sa compassion infinie devant les vississitudes de la dépravation humaine - la seule chose qui ne change pas au court des siècles. Le moine ramassa son jingasa, son chapeau de paille, et le replaça sur sa tête, puis il sortit. Son gihei, son bâton de moine, frappait le sol à chaque enjambées, et les anneaux d'or tintaient dans l'air du soir.
Les yakuza étaient une bonne trentaine, ils attendaient que Kugen ne se montre. Parmi eux il y avait Okada Munefusa, Oyabun du clan Okada et oncle de Kugen. C'est lui qui lui avait implicitement ordonné de se suicider, et les yakuza étaient venus pour assister au seppuku de Kugen. Deux moines du temple étaient avec eux. Un autre les rejoignit et leur demanda de venir dans la cour intérieure. Au lieu de l'estrade et du matériel rituel utilisé pour le seppuku, ils trouvèrent une grande bouilloire de bronze, remplie d'eau. Les moines mirent le feu aux buches qui se trouvaient en-dessous.
"Allons donc, c'te raclure de Kugen nous a amenés ici pour un cour de cuisine ou quoi ?" Cria un des gangster à la cantonnade.
L'un des moines s'excusa : "Kugen-sama va bientôt arriver, Tanaka-san. Il vous expliquera tout lui même."
Le bonze ne tarda pas à débarquer. Les truands l'entendaient venir de loin, grâce aux tintements des anneaux d'or de son gihei. Lorsque celui-ci apparut, il s'écria : "Yokozo, mina-san, bienvenue tous le monde !"
"Masanoshin, interpella une jeune femme par l'ancien nom de Kugen, qu'est-ce que tout cela signifie... Et que fais cette antiquité ici ? J'ai crut comprendre que tu allais te faire seppuku..."
La jeune femme était une des "soeurs", une amie et une "frère d'arme" de Kugen du temps où il était yakuza, elle s'appelait Ize Junko et était une redoutable membre du clan, ayant le rang de Kyodai dans la hiérarchie du clan. Kugen savait que la jeune femme avait toujours eut le béguin pour lui, mais son côté cruel l'avait souvent rebouté. Kugen n'avait jamais apprécié la cruauté, plus encore lorsqu'il était devenu moine zen Soto. Et aujourd'hui, s'il les avait fait venir, c'était par ce qu'il les avait sermoné pour leurs méthodes cruelles et "barbares", indignes de vrai yakuza, les yakuza d'autrefois, à la fois héritiers des samouraïs et porteur de renouveau pour la société, défenseurs des faibles dans les temps difficiles du quotidien japonais... Mais tout cela avait changé. Les gaïjins les avaient... corrompus.
En ce moment même, nombre de clans yakuza étaient divisés à cause des méthodes des uns et des autres et du poid de la tradition. Et maintenant, Kugen entendait faire plus par sa mort que tout ce qu'il avait fait de son vivant, il allait leur montrer l'exemple. Kugen commença à se dévêtir, déposant son koromo, son kimono de moine, et son kesa sur le sol, devant les yakuza que les moines firent asseoir à l'abri sous le toît d'un pavillon, juste en face de la bouilloire, posée à quelque mètres. Il passa ses vêtements à un moine, ainsi que son cher gihei, dans lequel était secrètement dissimulé un sabre à lame droite, un shikomizue, à la manière d'une canne épée.
En guise d’adieu il dit à ses frères de clan :
«Pour qui possède la Voie, les flammes ne sont que brises rafraîchissantes. Quoiqu’il en soit, cela devrait vous donner vôtre content de cruauté. Quand je serais devenu un Bouddha, je m’assurerai que vous vous repentez, ou je vous balancerais à l’autre bout du monde avec mes baguettes cosmiques ! »
Puis, il grimpa dans la bouilloire, l'eau n'avait pas encore commencée à bouillir. Un vent de panique et de stupeur parcourut les rangs des yakuza. Junko se leva brusquement.
"Tu es fou... Qu'est-ce que tu fais Masanoshin ! Cria Junko. Sors de là, tu n'es pas obligé de mourrir comme ça !"
Tenjo Kugen fît mine de ne rien entendre. Il s'était simplement mis à méditer dans la bouilloire, tentant de se concentré, tandis que sa peau commençait à chauffer.
"Kugen-sama, vous allez trop loin ! Je pensais que vous deviez faire seppuku..." Intervint un yakuza.
"Iye, dit l'Oyabun. Il n'a jamais été question de seppku, nous avons parlé de mourrir selon les traditions... Et il y a un précédent fort semblable dans nos livres d'Histoire."
"Aniki, tu peux encore rebrousser chemin, le seppuku est moins douloureux !" Intervint à son tour un "frère" de Kugen, Matsuda Toshiro, un proche vassal du Saiko komon, l'un des meilleurs amis de Kugen. Mais celui-ci ne broncha pas, tandis que l'eau commençait à bouillir.
"Boss, vous ne faites rien ? Vôtre fils va mourrir ébouillanté vivant !" S'exclama Toshiro à l'adresse de son supérieur.
"Kugen n'est plus mon fils depuis qu'il est devenu moine... De toute manière, cette tête de mulle n'écoutera pas." Dit-il sur un ton calme, démenti par son tein blème.
"Allons, si je continue à prêter attention à ce qu'ils disent, je vais vraiment morfler, pensa Kugen." Il redoubla de concentration, laissant les paroles suivantes se perdrent dans le Vide. Il sentit sa peau moite s'écorner sous l'effet de la chaleur et cuir doucement. "Je dois me concentrer... PLUS !" L'épiderme pela sous ses couches successives et la chaleur conférait un aspect étrange aux tatouages de dragons qui parcouraient son corps musculeux, comme si les dragons tatoués allaient émergés du corps pour prendre leur envol, ces sublimes héritages (au demeurant fort banal) d'une vie consacrée au crime organisé, à la pratique des arts martiaux et de zazen. Son corps exhalait un fumet écoeurant.
"Mushin... Sans pensées."
Ses organes commencèrent à bouillir avec leur contenant, son sang était en ébullition comme s'il faisait l'amour. Et pourtant, nul excitation, peu à peu son esprit trouvait la paix. Il ne prêtait plus attention à ce qui sa passait en-dehors de son esprit. Il n'était plus un simple moine. Il était une montagne. Au-dessus de lui, les nuages pssaient, sans qu'il ne fasse attention, sans qu'il n'essaie de les chasser... Ils partaient tout seul. Il était une pierre, polie par les eaux, sous la pluie. Il était un champ sous la neige. Il était un arbre centenaire, traversant les époques. Son regard plongea dans le Vide, au-delà du cosmos, au-delà du Ratei-ji, au-delà des Yakuza, au-delà de l'horizon... Il "vit" alors l'univers tout entier, par le biais de son intuition, tout ce qui se passait autour de lui, autour du chaudron, comme à des milliards de kilomètres de distances... Au-delà du cosmos, il leva les yeux, ce monde était perdu dans une grande, une immense paume. Et cette paume était relié à un corps doré, par un bras, un bras très long. Cette paume était celle de Bouddha, et son sourire compatissant fît s'étendre un autre sourrire, sur les lèvres de Kugen.
Il était enfin entré au nirvana.
Et cette pensée fît se réjouir son coeur. Et cette pensée le fît s'écrouler, il tomba, il chuta, loin des cieux, tout là-bas, dans le plus bas des six mondes de Bouddhisme, il tomba dans l'enfer... Non, en fin de compte, il s'arrêta en Asura, là où l'on se bat pour l'éternité, là où les guerriers se battent jusqu'à la mort, avant de se relever pour continuer le combat. Mais était-ce vraiment Asura ? Non, cet enfer portait un autre nom, mais comme il allait le découvrir par la suite, cela revenait au même. |
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