Dans l'avenue du général Akihito, l'une des artères les plus dynamique de Shinjuku, un véhicule fonçait à tout allure.
Il portait l'insigne de la police de Tokyo.

Dans la précipitation, il manqua de renverser un piéton.

- Tout doux, canasson, on est presque arrivé.

- Presque, seulement presque.

Un choc survient, sur le côté.

- Regarde ce que tu fais, putain ! Tu lui as démonté le rétro...


- Note-la plaque, je rembourserai.

- "Noter la plaque" ? Mais tu rigole ?!! Je lis pas à 200km/h ! ! !


- Perds pas ton temps alors...

Sans prêter un regard vers son collègue, l'agent Fujita était des plus préoccupé.
Les lunettes, plaquées sur son nez, les joues transpirante, les cheveux collés, son attention était braqué sur la route, et sur elle seule.


- T'as branché le GPS ?!


-A ton avis ? Tu me prends pour un bleu ?



- A la vitesse où tu lis les plaques, j'ai un doute.


- Encore deux blocs puis à droite.


- Fais voir !

Manquant de percuter le véhicule adjacent, l'agent Fujita récupère le boitier, d'une main.



- Plus qu'un bloc !


- Ecoute, je sais que tu veux rejoindre l'hôpital à tout prix, mais si tu fais le con, c'est à la morgue qu'on va atterrir !

- Pas avant de l'avoir vu...

- T'inquiète pas mon vieux. Ils savent ce qu'ils font. Attention !

Sur les mots d’Hondo, Daniel freina brusquement.

Devant le véhicule de l’agent Fujita, un homme d’une vingtaine d’années, lunettes de soleil et regard enjoué, l’agent Mimura. Le sourire aux lèvres, il s’adressa au duo.


- Putain ! T’as eut ton permis dans un paquet de céréales. Je sais que c’est important mais…
- A qui le dis-tu ? Crois-moi, j’ai essayais de lui…
- Peu importe ! Allons-y !

Décidément peu enclin à partager l’allégresse de son collègue, l’agent Fujita s’extraie du véhicule, poursuivant son chemin à pieds. Malgré son bref arrêt, il ne semble pas avoir réduit son allure.

- Et ta caisse ? Tu vas pas la laisser ici.
- T’as raison, occupe-t-en.

Lâche l’agent Fujita, en jetant les clefs en direction de ses collègues. Accompagné de l’agent Hondo, il fonce vers l’entrée de l’hôpital Murakami.

- Baisse un peu de régime. Elle s’en sortira.
- Je sais bien…

Acquiesce le trentenaire, sans baisser de rythme. Le robuste Hondo peine cependant à le suivre.

- Je te retrouve en haut, avec Kenji.
- Très bien…

Débarrassé de ses collègues, l’agent Fujita se rue vers l’accueil. Un homme en blanc, le docteur Azumo, visiblement pressé, croise la route de l’agent.

- Monsieur Fujita.
- Docteur Azumo. Dîtes-moi où elle est ?
- Chambre 436, quatrième étage. Mais ne la brusquez pas. Elle…
- Merci...

Dans la précipitation, Daniel Fujita ignore le vieil homme. Sa priorité est tout autre. Il approche de l’ascenseur, appuie sur le bouton d’appel. A côté, de lui, un adolescent tremblotant.


- Vous auriez une cigarette ? C’est la dèche, mec…
- Rue Nagano, en face de la pharmacie…
- Je sais bien, mais…
- Putain de boite…

A son tour, le jeune homme est rabroué. Le trentenaire s’en éloigne, fonce vers la cage d’escalier. Il gravit le premier étage, puis le second, en quelques secondes. Au troisième, les premiers effets de la fatigue commencent à se faire sentir, mais l’agent n’en a cure. Il se reposera dans une autre vie… Enfin, il parvient au quatrième. Le visage transpirant, il cherche la chambre. 431, 432, 433… 436 ! ! !
Devant la porte, deux infirmières, autour d’un brancard. En son sein, une jeune femme, brune, le corps sanglé, crie à tue-tête. Les deux employés tentent de la calmer. L’agent Fujita, essaie d’entrer dans la chambre 436, mais est entravé par le brancard. Il tente de bouger le lit de fortune. Une employé de lui faire remarquer.

- Attendez ! C’est pas un moulin ici !
- Fujita ! Lisa Fujita ! C’est ici !
- Oui, oui, une petite seconde…
- Je suis pressé…
- Comme tout le monde… Tout presse ici…

Annonce l’infirmière avec nonchalance. Alors qu’elle éloigne lentement le brancard de la porte, l’agent trépigne d’impatience. Au loin, le jeune homme de tout à l’heure, cigarette au bec.

- On peut fumer ici ? Me dîtes pas qu’on peut fumer ici…
- Comment ?

Sans attendre la réponse de l’infirmière, Daniel pénètre dans la pièce…

Alors que la porte se referme derrière lui, le temps semble tourner au ralentis pour l’agent Fujita. Les plaintes des infirmières, les sollicitations de ses partenaires et de la populace, le bruit des appareils médicaux, tout s’éteint. Les seuls sons qui parviennent à ses oreilles sont sa propre respiration et, dans une moindre mesure, les battements de son cœur. La fatigue, le stress, la pression, tout forme une boule dans le corps de l’agent Daniel Fujita, alors qu’il avance à pas de Loup, dans la chambre mal éclairée. La fenêtre est ouverte. Un bon signe ?

- T’attends quoi Daniel ? Je t’ai déjà mordu ?

La voix de Lisa. De bon augure tout ça… Le trentenaire avance de quelques pas. A quelques mètre, le visage transpirant de son épouse. Elle semble avoir perdu vingt kilos…

- Tout… Tout va bien ?

Un plissement des yeux. Un silence entre les deux époux. Puis un sourire de la compagne.

- Peuh ! Je fais ça tout les jours. Les formes yoyo, c’est mon brevetage perso.

Daniel continue d’approcher, prends la main de son épouse, les larmes aux yeux…

- T’étais pas obligé de venir, tu sais. Ton patron…
- Tu n’en pense pas un mot. Tu oublie que je suis inspecteur. Les suspects, ça me connait…
- Oui, enfin, on a vu pire, comme mensonge.
- Félicitations.
- Tu veux voir le marmot ?
- Quoi déjà ?
- Tu sais, à ce train là, je vais postuler comme inspectrice… Tiens, regarde…

A côté de la jeune femme, un petit lit blanc, dans lequel repose un joli nourriçon, pur nippon, enfin trois quart nippon. Devant la petite boule de chair, l’agent Fujita reste sans voix. La boule de sensations s’envole au profit d’une boule d’émotions. Devant la fragilité du petit être, l’américano-nippon se sent à son tour vulnérable. Un bonheur sans pareil, mais aussi une nouvelle pression qui commence. Il a une chose de plus à perdre, s’il venait à tomber. Un paradoxe insupportable. Mais l’agent remet tant bien que mal ces considérations à plus tard, se perdant dans le regard de la petite créature…

- Ca fait longtemps qu’il est là ?

Annonce Hondo, déjà faufilé dans la pièce, avec son collègue Mimura.

- Pas autant que moi. Mais ça va vite se rattraper, je le sens…

- T’inquiète pas. Je suis sûr qu’on aura bientôt bouclé cet affaire. Tu pourras retrouver ton homme…


- Tu crois vraiment ? Je ne refuserais pas d’avoir encore un peu de vacances…

- Hein ?


- Gohatto.

- Gohatto ? Je croyais qu’on l’appellerais Hanaki ?


- Gohatto, ou j’en fais pas d’autres…

- D’autres marmots ?


- Pas marmot, bougre d’idiot…

Alors que la RB Team s’apprête à se constituer, il est un Fujita qui n’en fera vraisemblablement pas parti…