Cramponnée au camion de pompier, Akane se sentait en forme, son retour avait soigné ses traumas physiques, et la motivation faisait couler des flots d’adrénaline dans son corps. C’était pourquoi elle n’avait pas pris de douche, ce n’était pas le moment de se ramollir, pas le moment pour elle, en tout cas. Il se trouvait que cette nuit-là, il n’y avait pas d’incendie en ville. En fait, le camion faisait le déplacement sur les lieux d’un incident bizarre, respectant la procédure administrative. Oui, les pompiers amenaient directement la militaire au stade, là où des martiens, et surtout des gantzers avaient péri, et sans respecter les feux rouges, grâce à leur sirène. Il n’y avait pas le feu, hein, mais les pompiers aimaient bien faire valoir ce droit à réveiller leurs concitoyens en pleine nuit. En l’occurrence, ça arrangeait fortement Akane qui descendit tranquillement du véhicule, juste avant qu’il se gare à coté d’une voiture de police qui barrait la route. Deux autres faisaient de même un peu plus loin alors que des policiers terminaient de repousser les badauds. Il devait y avoir des enquêteurs, au sommet de l’immeuble, à se demander ce qui avait bien pu arriver, à tenter de recueillir des indices. Ce serait dur. Evidemment, toute cette destruction avait attiré du monde, Akane y ayant largement contribué en explosant à elle seule un pylône publicitaire. Circulant parmi les civils, elle aperçut un homme à l’air un peu niais qui rangeait un appareil photo certainement numérique dans une des grandes poches de son manteau.

*Le pickpocket, c’est mal*

Songea-t-elle en bousculant l’homme, lui prenant l’appareil photo au passage et le glissant dans sa veste militaire. C’était un test, on allait dire, mais pas seulement. Comme elle le pensait, une fois en contact avec ses habits invisibles, l’appareil photo devenait lui-même imperceptible. Ca ne marcherait évidemment pas avec de gros objets, mais c’était tout de même pratique. Tandis qu’elle s’éloignait déjà, l’homme ainsi volé se retournait brusquement et s’apercevant que son bien n’était plus à sa place, accusait un jeune homme qui avait la malchance d’être plus près de lui que les autres à ce moment-là. Ha, les incivilités …

Tout en s’approchant de l’immeuble, Akane s’orientait en fonction du pylône détruit, lequel se voyait assez bien, même de sa position. Elle avait lâché l’arme à environ un mètre du bord, pour pouvoir prendre appuis sur la gantz blade de Sakyo et rejoindre le rebord. Avec l’angle de chute, son flingue devait avoir atterri quelques mètres après l’immeuble. La militaire arriva dans la zone, qui était en l’occurrence une sorte de pelouse. Elle était tellement humide que les pas de la jeune femme s’imprimèrent quand elle y marcha. Heureusement que personne ne passait par là, ou ne songerait à observer précisément le sol, parce que des pas d’un être invisible, ça n’aurait pas été ordinaire. Elle chercha pendant dix bonnes minutes, en vain. Sous la lumière de la lune, l’arme aurait du briller, même en morceaux ce qui n’était pas certain, vu la mollesse du sol dans la zone de chute. Et puis elle les vit, à l’angle de la rue, non loin du premier barrage de police. Un gars à l’air un peu punk qui discutait de façon énergique avec un autre homme, bien mieux sapé. Elle commença par massacrer ses empreintes dans le sol en revenant sur ses pas, s’essuya les semelles sur la chaussée en un réflexe basique et mue par sa curiosité naturelle, elle s’approcha d’eux, et en effet, le punk négociait quelque chose avec un yakuza de ce quartier. Si un habitant trouvait une arme à feu, la donnerait-il à la police, qui ne lui donnerait aucune prime pour son acte citoyen, ou au yakuza du coin, qui lui filerait des yens sonnants et trébuchants ? Et que ferait le yakuza ensuite, la donnerait-il à son chef, ou la revendrait-il aussitôt à une relation dans le besoin ? Bingo. La jeune femme fut assez près pour voir des billets changer de mains, et son arme filer discrètement sous la veste en cuir du punk.

*Solid Akane, et même pas besoin de carton*

Pensa la militaire en suivant le punk qui s’engouffra dans une ruelle menant à une impasse, moins de deux rues plus loin. Le punk rejoignait trois copains motorisés, et leur exhiba son trésor, comme il disait.

*La violence, c’est mal. La violence, c’pas bien*

Akane s’approcha des punks en contractant les muscles de son bras droit. Elle sentit la tenue Gantz répondre aussitôt à sa demande en décuplant sa force. Aucune fenêtre, aucun témoin. Parfait.

"On va être les terreurs des épiceries, avec ça !"

Rigolait le punk, juste avant qu’un direct invisible d’une violence inouïe lui défonce la tête, le tuant sur le coup. Le temps que les autres comprennent ce qui se passait, ils avaient subi le même sort. Relativement propre, efficace en tout cas. Elle ne se sentait pas grisée par cette puissance, pensant simplement avoir fait ce qui devait être fait. Normalement, même s’il s’agissait de petites frappes, Akane ne les aurait pas tué, mais il valait mieux ne pas laisser de témoin, avec la menace de l’espèce de bombe corticale dans sa tête. Ainsi, la militaire n’avait en rien nui au secret de Gantz. La jeune femme ressortit de l’impasse, son arme à feu sagement rangée dans son holster. Comme elle l’avait envisagée, avec sa masse propre, le pistolet s’était enfoncé dans la terre ramollie de la pelouse, quasiment intact. Il faudrait la démonter entièrement, la graisser et rajuster une ou deux pièces, mais ce n’était rien comparé à une chute qui aurait eu lieu sur l’asphalte.

*Une bonne chose de faite*

Akane avait bien fait de réagir à chaud, mais la nuit n’était pas terminée pour elle. Grâce à ses ressources nouvelles, elle allait pouvoir régler un différent avec l’armée. Pas question de tuer cette fois, juste de découvrir quelque vérité trop longtemps hors d’atteinte, sans oublier Gantz … cette fois, il n’y aurait pas de camion de pompier à sa portée. La jeune femme prit donc la direction de la bouche de métro la plus proche.

=> Tokyo, centre-ville.