*Ça... Ça a marché...*

C'était tout bonnement incroyable: les trois balles avaient percuté la chose sans qu'elle ne tente d'esquiver. Et plus encore: elle avait souffert. Certes, l'idéal aurait été qu'elle décède sous les coups, mais la réussite de ce combat devenait de plus en plus probable!
Restait seulement à savoir pourquoi elle ne bougeait absolument plus... Est-ce qu'il s'agissait d'un bug? Comme pour les combinaisons? Ou bien réagissait-elle à ce sacrifice? Dans tous les cas, le romancier se devait d'agir, mais même avec son pistolet en mains, il semblait qu'il faille bien plus pour cueillir l'âme de cette chose (si tant était possible qu'elle en ait une).

*Je peux... Je peux survivre!*

Tout en serrant le corps de la frêle Konoe, il s'aida de cette dernière pour mieux poser son bras droit et ainsi tirer avec une précision légèrement accrue. Chose dont il aurait besoin puisqu'il comptait vider le chargeur du pistolet. Il aurait aimé pouvoir se déplacer pour l'attaquer plus correctement, sans avoir à utiliser le corps de son alliée comme un utilitaire, mais actuellement, il ne pouvait faire autrement. Et il se jurait encore, à chaque tir craché, qu'il saurait se repentir en la ramenant à la vie... Elle comme les autres.
Quand le chargeur fut vide, il balança maladroitement l'arme vers la nurse pour finalement prendre son katana et vider la tête immobile de la chose. S'il ne pouvait pas bouger, il pouvait toujours l'immobiliser en la plantant et en l'empêchant ainsi de bouger par la suite. La lame s'allongea alors, tandis qu'il serrait encore le corps de la pauvre lycéenne qui l'avait sauvé.

"Montre tes larmes! Salope!"

Encore fallait-il qu'elle ne bouge effectivement plus...

Pendant qu'elle descendait l'escalier, Akane entendit distinctement des cris et des coups de feu. A priori, il y avait deux combats distincts dans le hall, mais elle n'en était pas non plus certaine. Dès son arrivée, la jeune femme leva son X-gun, toujours à bout de bras, et se servant du viseur pour améliorer sa vision encore déficiente dans la pénombre, elle balaya la zone du regard et de l’arme, dans le même mouvement, donc. Son objectif était simple : localiser l’ennemi le plus dangereux pour ses alliés et lui tirer dessus, sur l'ennemi. La militaire se fiait totalement à l’équipement confié par Gantz. Ce n’était évidemment pas un acte de foi, elle n’avait tout simplement pas le choix. Si l’équipement demeurait fonctionnel, il y avait encore une chance qu’elle aide ses alliés contre les martiens sur place et ceux qui pourraient encore survenir par la suite. Si l’équipement redevenait défaillant, Akane devrait se rabattre sur son pistolet, son 9mm, tout en se doutant qu’une telle arme ne ferait pas grand-chose sur les monstres, mais ce serait mieux que rien. Néanmoins, avec un seul chargeur, la deuxième option ne la mènerait guère loin. Au pire, elle pourrait toujours tenter de botter les fesses des martiens au sens littéral du terme. L'empereur des bourrins, Chuck Norris lui donnerait alors assurément la force de vaincre tous ses ennemis par la puissance brut de ses poings, et pour un bottage de fesses dans les règles de l'art, de ses pieds ! Forte de cette pensée résolument optimiste, elle en vint naturellement à la conclusion suivante : pourvu que l’équipement Gantz ne la laisse pas tomber !

[Action : analyse rapide de la situation]

Et finalement, la lame avait atteint son but. Sentant l'odeur du sang de Konoe jaillissant encore de sa poitrine, il avait enfoncé la lame de l'endroit dans la gorge de la créature sans aucune pitié, profitant de ce court moment de faiblesse qu'elle lui offrait. Celle qui l'avait sauvé était désormais vengée, mais cela ne suffirait pas... Il allait devoir la ramener, comme beaucoup d'autres...
Sakyo n'avait pas cessé d'enfoncer la lame. De son bras droit, il maintenait le katana planté dans ce cou pour finalement la tourner et sentir la résistance de la chair céder. Mais cette chose avait cessé de bouger, et bientôt, le poids devint trop lourd au bout de son arme pour soutenir cette confrontation. Alors, plutôt que de la tenir à distance, il tourna la lame de façon à mettre le tranchant vers le bas du corps de la nurse, puis, usant du maximum de sa force et de son poids, força sur le katana, de façon à trancher verticalement la nurse de la gorge vers le bas.

Petit à petit, il sentait le métal traverser la chair... Puis dans un ultime hurlement, il concentra tout le reste de sa force pour pousser l'attaque à son paroxysme...

"J'AI DIT "CRÈVE"!"

Akane découvrit donc rapidement la situation. Ainsi, Zurui se réveillait après avoir encaissé à priori un choc assez violent, la noble Himiko venait à l’instant même de vaincre une martienne, et Sakyo combattait avec acharnement une martienne Nurse, la mettant à mal sans parvenir à la détruire malgré sa fureur. Bien que plantée par un sabre gantz, d'abord en plein cou puis un peu plus en profondeur, la chose abjecte n’était pas encore morte. Il y avait au moins deux cadavres de gantzers au sol, ce qui expliquait la colère de l'écrivain, mais la militaire n'avait pas le temps de détailler cette scène des plus macabres, elle devait agir avant que leur ennemie ne retrouve ses forces et contre-attaque, peut-être avec une efficacité mortelle. Voyant que son équipement fonctionnait toujours, la jeune femme mit en joue la martienne qui avait été empalée par Sakyo, la dernière créature immonde encore en état de nuire en ce lieu, et elle appuya sur la détente de son X-Gun. D’ici une dizaine de secondes, la martienne Nurse devrait exploser littéralement. Akane demeurait néanmoins vigilante contre ce monstre qui pouvait être autant imprévisible que feu le Candy body-buildé du deuxième étage, mais également vigilante contre un éventuel autre martien, voire même plusieurs éventuels autres martiens qui pouvaient surgir de nulle part, pour ainsi dire, tout moment. La japonaise se demandait comment ça se passait pour Takeshi, s’il avait rencontré de difficultés dans son ascension. Pour le moment, elle ne pouvait pas le savoir, du fait d’une absence de moyen de communication entre eux, à une telle distance. Elle pensait qu’il saurait se sortir d’une possible confrontation avec ces monstres, et elle devait rester concentrée sur le moment présent. Dont acte.

[Action : tire sur la martienne Nurse]

Yarashin gisait part terre, ensanglanté, peut-être mort.
Mort? Non, pas après y avoir échappé tant de fois en si peu de temps.
La masse frémit, émergeant enfin de son coma.
Hmm, bordel...
Se redressant, il se souvint à nouveau de sa situation.
Qu'est-ce qui s'est passé? J'ai rien compris!
Elle était là et puis...
Après s'être jeté sur l'arme tel un morse affamé sur un seau de croquettes, il effectua un arc de cercle montant vers l'ample hanche de la créature.

Il aurait pu l'avoir, il en était certain. La victoire était trop prochaine, et il s'était presque préparé au moment où il pourrait enfin cueillir l'âme que la chose qui avait tué ses alliés, et plus particulièrement Konoe. Mais elle avait commencé à bouger, de nouveau. Heureusement, le fait d'avoir planté la lame au moment propice lui avait permis de ne pas la laisser s'enfuir, et tout ce qu'elle pouvait faire désormais, puisqu'elle n'avait pas recours à l'agilité, c'était d'utiliser sa force pour empêcher la progression de l'arme à travers sa chair...

*Non... Tu crois pas que je vais te laisser filer comme ça!*

Sakyo redoubla alors d'efforts, bien qu'il aie déjà utilisé une puissance incommensurable pour son état. Et bien évidemment, chose allait facilement avoir le dessus... Mais c'était sans compter sur la combativité de l'écrivain qui avait posé encore brièvement le regard sur Konoe, toujours contre lui. Et alors, d'un coup, comme si dans la mort elle avait encore su lui augmenter son courage, il sentit une poussée d'adrénaline, lui faire pousser un hurlement mêlant la rage et la souffrance que lui procurait sa jambe. Mais alors qu'il continuait de taillader le buste de la nurse, sa jambe se fit bientôt plus discrète car ce sont ses bras qui finirent par lui causer une douleur insupportable, tant il forçait dessus pour vaincre, tout en utilisant son poids.
Tout en appuyant sur la lame, il finit par quitte l'étreinte de Konoe pour avoir une meilleure prise, gardant la main gauche sur le pommeau et appuyant sur la lame avec son bras droit. Et bien qu'il ait été sur le côté qui n'était pas tranchant, il, sentait que le cuir de son manteau craquait légèrement sous la pression. Mais voyant que la force ne suffirait peut-être pas, il imagina autre chose...

*Crois moi, tu ne vas pas résister longtemps!*

Tout en forçant, il s'était aidé des boutons de la main gauche en rétractant et en allongeant légèrement la lame à tour de rôle, de façon à couper verticalement non pas avec seulement la force de l'appui, mais avec une fonction faisant penser à celle d'une scie. Ainsi, il arriverait beaucoup plus facilement à la trancher définitivement et à la vaincre. Il rallongeait alors la lame d'environ trente centimètres pour la raccourcir, et ainsi de suite, ayant déjà gardé une marge d'environ cinquante centimètres dès le début, de façon à ne pas bêtement libérer la nurse de son emprise.
Il sentait la chair se découper progressivement... Et étrangement, il commençait à aimer cela. Cette chose qui avait tué Konoe et qui lui avait littéralement détruit sa jambe était enfin à sa merci, et bien qu'il ait souvent été clément et aimable avec tous, il avait troqué ici sa bienveillance pour un sourire que l'on pourrait presque qualifier de sadique.
Dans une autre situation, si personne n'avait été mort, il se serait contenté d'attaquer, en espérant que Yarashin n'ait pas été trop blessé par le coup que la nurse avait donné. Mais ici, il n'en était pas question. Non... Ici, cette attaque d'abord nécessaire s'était transformé en pur sadisme à partir du moment où le romancier avait pris goût aux cris du monstre et la sensation du métal traversant la chair, libérant des gerbes de sang. Le sang d'une meurtrière.

"Vas-y! Pleure et crève ensuite! PLEURE!"

Pour toute réaction à son attaque, Yarashin reçut un coup de pied.
La créature avait cependant fait une erreur dans sa cible.
Le portable pris le coup, amortit par la couche de graisse de l'otaque.
Celui-ci ne broncha donc guère.
De toute manière, il s'était déjà vidé, que pouvait bien lui faire un coup à l'estomac?
Se relevant enfin, il délogea sa hache et réattaqua la créature, visant cette fois-ci l'aisselle du bras retenant le sabre de Sakyo.

Les jours de la noble Himiko n’étaient pas en danger, ce qui était en soi un soulagement pour Akane. Néanmoins, concernant Sakyo, les dix secondes s’égrenaient très lentement, trop lentement, et Akane ne pouvait plus entreprendre une autre attaque contre la martienne, risquant de toucher à présent Zurui ou Sakyo. Tout en demeurant vigilante au cas ou une menace provienne d’une autre direction, la militaire était à la fois fascinée et inquiète par la réaction frénétique de l’écrivain qui luttait contre son adversaire avec la rage d’un berserker, voire même comme un kamikaze. La jambe estropiée de Sakyo, le cadavre de la jeune admiratrice tout près de lui, la colère aveugle du gantzer, tout cela amenait Akane à penser qu’un drame avait eu lieu, plus encore qu’une mort liée à une simple fusillade. Que cela soit né de son intuition ou uniquement le fruit doux-amer de l’imagination, la japonaise songeait que la martienne nurse avait d’abord blessé Sakyo à la jambe, puis qu’elle s’était trouvée sur le point de l’abattre lorsque l’admiratrice de l’écrivain s’était sacrifiée en recevant la balle à sa place. Sakyo avait fait beaucoup pour Akane et les autres arrivés fraîchement décédés, les renseignant dès leur arrivée dans la salle, apaisant de son mieux les esprits craintifs, égarés. Même la militaire avait eu un passage à vide, même très bref, elle était humaine, après tout. En retour, le mieux qu’elle pourrait faire pour l’écrivain serait de lui éviter de sombrer dans la folie meurtrière. Pour y parvenir, il allait falloir réagir rapidement et avec autorité, et ce dès que la chose monstrueuse serait détruite, d’ici quelques secondes.

La princesse d'Inaba avait enfin réussi à se débarasser de la dernière nurse enragée par une projection, puis avait porté l'estocade d'un coup de sabre dans le front. Himiko retira le sabre d'une main puis l'essora d'un geste ample, mais déjà elle était repartie.

Dans sa folie, Sakyo avait négligé ses ordres et maintenant lui et son admiratrice en payaient le prix. Sakyo était sous le choc des actes désespérés qu'il devait commettre pour survivre, et les autres gantzers s'étaient rués pour la curée. Himiko d'Inaba ne fît pas exception. La tournure des évènements l'inquiétait, et elle n'avait pas vue arriver le soldat Ueno pendant qu'elle achevait sa dernière opposante. Aussi, la prêtresse se contenta-t-elle de charger animée de la fureur des justes.

"Nanmaku Sanmada Bazanadan, Senda Makaroshada Sowataya Un Tanata, Kan Man !"

Himiko arriva sur le flanc de la créature, à l'opposé de Zurui. Le premier coup qu'elle porta était un gatotsu, un coup d'estoc en direction de l'épaule gauche, puis un second coup sur l'épaule droite, puis elle réarma, poursuivant l'invocation de Fudô-myô-ô pour l'extermination des démons.

"Nanmari saba tatakiyaki biyari, sarabamokei biyari sarabata..."

Pendant que Sakyo et Zurui s'excitaient à frapper n'importe comment la créature, Himiko porta le coup de grâce, s'exclamant à la place d'un kiaï, alors que le coup de taille descendant fendait le crâne de la martienne.

"... Taraku !"

Himiko avait malheureusement dû, pour question de timing, sauter l'invocation de Gôzanze Myô-ô pour l'extermination des désirs terrestres du spectre infernal, mais elle frappa en espérant de tout coeur que l'exorcisme soit un succès, et qu'elle puisse rendre un peu de sang froid à l'écrivain psychotique.

Ils avaient réussi. Sakyo n'avait pas vraiment pu se rendre compte de ce qui s'était passé pour qu'il puisse avoir réussi à vaincre cette chose, il savait seulement que Yarashin et Himiko étaient intervenus et qu'il avait pu, suite à leur aide, faire couler la lame comme un fou, à travers la chair pourrie de la nurse. Seulement, il avait pu alors entrevoir le visage de son adversaire... Tout ce qu'il y avait de plus humain... Et déjà, alors qu'au début il l'avait trouvée étrangement séduisante, lui n'avait pu s'empêcher de penser un bref instant qu'en effet, elle était belle. Que c'était dommage de l'avoir tuée. Mais ce ne fut que trop bref. Après tout, le corps de Konoe était juste à côté de lui, et finalement, il avait repris la progression de son attaque. Cependant il ne put savoir si c'était lui qui avait tué cette chose: elle explosa d'un coup, et à la vue de l'explosion, il se douta bien qu'il s'agissait d'un tir de X-Gun. Seulement, qui avait pu tirer?
Mais il ne se posa pas longtemps la question... Il n'y avait plus aucune résistance, alors, comme si toutes ses forces l'avaient quitté, il se laissa tomber sur le dos, à l'instar des jambes de l'infirmière.
C'était enfin terminé...

*J'ai réussi... Je suis encore là...*

Sa respiration qui était alors restée saccadée depuis son passage dans le couloir était devenue de nouveau longue et régulière. Durant ces dernières minutes, dans le hall, il n'avait fait qu'agir dans l'impulsion, sans vraiment pouvoir prendre le temps d'établir une stratégie. Et bien qu'il n'en était pas réellement responsable, il ne pouvait s'empêcher de se dire que les morts de Konoe et du pompier étaient arrivées par sa faute... Il s'était engagé à protéger son groupe... Et au lieu de ça, deux en étaient morts... Peut-être un troisième avec Kentaro qui agonisait dans le couloir. Il était un mauvais héros, comme Gantz l'avait dit à son premier passage dans la chambre.
Ces quelques secondes de respiration "normale" se changèrent de nouveau lorsqu'il vit le visage de Konoe. Il avait beau avoir fermé sa bouche et ses paupières, il ne voyait qu'un visage meurtri, celui d'une fille qui n'aurait jamais dû mourir et qui avait perdu la vie de la manière la plus violente que l'on pouvait imaginer. Mourir... Elle n'avait pas mérité ça, ne serait-ce que dans cette mort qui l'avait amenée dans la chambre. Elle était une vraie crème, comme Mariko.

"Pardon... Pardon, pardon..."

Et puis... Il y avait ce visage. Ce visage horriblement humain qui s'était révélé alors qu'il éventrait ce corps séduisant... Il ne put s'empêcher de repenser aux fantasmes qu'il avait eus lors de sa première mission, lorsqu'il avait rêvé du meurtre de Mariko, et aussi de sa propre torture qui avait précédé l'acte fatal... Qu'était-il au juste? Un meurtrier? C'était certes un alien, mais honnêtement, en voyant un visage aussi humain, est-ce que tout le monde aurait continué d'engager un acte irrémédiable comme celui-ci? Au final, peut-être qu'à travers son image de héros qu'il voulait être jusqu'au bout, il n'était qu'un pauvre fou qui avait besoin de tuer. Peut-être que c'était sa façon de s'évader, une façon autre que l'écriture...

*Putain... Je suis quoi au juste...?*

De nouvelles larmes coulèrent, encore une fois. Il s'étranglait presque tant il avait mal pour tous les morts dont il était responsable... et aussi pour ce qu'il avait eu l'impression de devenir. Et en entendant que rien ne semblait se passer dans les étages supérieurs, il imaginait que seul son groupe avait dû être touché par la fatalité. Évidemment... Tous ceux dont il s'était porté garant... Il entendait déjà les mots d'Antonio, transperçant littéralement le peu d'estime qu'il restait encore de lui, le rabaissant pour avoir été plein de bonnes intentions, sans pouvoir les tenir. Est-ce qu'il lui ressemblait un peu? D'une certaine manière, à travers son assassinat, sa violence, est-ce qu'il était comme Antonio? Le romancier ne pouvait apporter aucune réponse à ces questions, mais il avait conscience de son état face à la nurse, et il ne savait pas quoi y faire...

Dans tous les cas, ici, il n'avait réussi que grâce au hasard, certainement pas parce qu'il était fort...

Tout en sanglotant de plus en plus, il tourna la tête vers sa droite, là où se trouvaient les escaliers. Akane arrivait. Cela ne le fit pourtant pas retenir ses pleurs.

La martienne nurse était détruite mais il était difficile de savoir si cela était dû au tir d’Akane, ou aux coups de Sakyo, de Zurui et de Himiko, lesquels s’étaient jetés sur le monstre avec une détermination qui concluait à priori assez bien la bataille intense qui avait eu lieu de leur coté. De toute façon, la militaire était venue donner un coup de main, pas incarner l’héroïne du jour. Elle préférait cette issue qu’être l’élément clef d’une fusillade qui les opposerait encore à plusieurs martiens.

"Vous avez subi des pertes."

Commenta-t-elle sobrement en s’approchant du trio de survivants, remarquant au passage la présence d’un quatrième gantzer bien plus atteint physiquement. Elle n’avait évidemment pas posé une question, ni exprimé de la sévérité, c’était juste dit sur le ton de la constatation. L’arme baissée mais toujours tenue à bout de bras, la jeune femme demeurait vigilante même s’il n’y avait pas d’autre danger en vue, mais ça ne signifiait pas qu’il en serait toujours ainsi. Si Sakyo n’était pas le plus blessé des quatre gantzers rescapés, il était le plus moralement touché mais au moins avait-il repris ses esprits. Il valait mieux qu’il pleure plutôt qu’il demeure avec son regard de meurtrier déchaîné en puissance. Ca évitait ainsi à Akane de lui administrer deux ou trois gifles pour ramener sa conscience parmi eux, à moins que la noble Himiko s’en soit chargée avant elle, mais ce ne serait donc pas nécessaire.

"Au deuxième étage, on a affronté plusieurs martiens, dont un gros bodybuildé rose. On les a tués et on ne déplore que quelques blessés légers dans nos rangs. Takeshi-san a poursuivi sa progression vers les étages supérieurs. On devrait rejoindre Takeshi-san, à moins que des blessés aient trop de mal à se déplacer. Dans ce cas, je suggère qu’on tienne la position jusqu’à ce qu’ils soient en état de bouger. Je ne vois pas deux autres gantzers parmi vous, un jeune et un moustachu."

Ces deux-là étaient peut-être morts ou séparés du groupe de l’écrivain. Akane en saurait peut-être plus bientôt. En tout cas, elle évitait d’évoquer une éventuelle exploration du sous-sol qu’ils ne pouvaient guère entreprendre à cause de l’obscurité et des blessés. En fait, il serait plus judicieux de ne pas rester en ce lieu, même si ses alliés se déplaçaient lentement, même s’ils étaient fatigués, démoralisés. Ils auraient tout le temps de se reposer, de pleurer les morts quand la mission serait terminée. S’ils ne le comprenaient pas, Akane devrait leur rappeler que leur survie n’était pas assurée, sans froideur mais avec fermeté. La japonaise comprenait la détresse de Sakyo mais ce n’était pas le moment de se laisser aller à faire preuve de faiblesse. Ca pouvait lui coûter la vie. Pour la jeune femme, il convenait de demeurer ferme jusqu’au bout. Si un de ses hommes avait montré une telle faiblesse morale en pleurant en public, la japonaise lui aurait fait retrouver ses esprits en lui bottant les fesses si fort qu’il aurait eu du mal à s’asseoir pendant plusieurs jours. Pleurer en public était très mal vu au Japon. Néanmoins, la situation actuelle sortait de l’ordinaire et l’écrivain était un civil, il suffirait qu’il retrouve assez vite un peu de sa … mobilité. En fait, tous les gantzers présents avaient leur mot à dire quant à la meilleure action à entreprendre. Akane les écouterait patiemment, avec une écoute prioritaire pour Himiko.

La noble Himiko avait réussi à porter plusieurs coups décisifs à la dernière des nurse, savourant la sensation, semblable à celle de trancher du papier ou de la paille humide. Un coup, deux coups, puis un troisième. Mais l'esprit maléfique résiste, enragé, et frappe au ventre la prêtresse, malgré que cette attaque désespérée lui ait coûtée son bras. Le prix a payé et la douleur qu'elles durent supporter étaient toutefois dérisoire, car la créature trépassa rapidement, implosant.

Pendant un instant, Himiko, qui avait eut un mouvement de recul à cause du coup de poing sur son foie, avait crue que son exorcisme était un succès inespéré, à tel point que l'esprit maléfique de la crying nurse implosait, déversant ses fluides sanguins et ses tripes sur les passants. Bien que souillée par l'odeur et le contact de la mort, Himiko était triomphante et quasiment indemne, seul ses vêtements et une partie de sa chevelure baignaient dans la crasse des fluides extraterrestres. Elle s'en était bien tirée, comparée aux autres.

Jetant un regard triomphant à la charogne, elle eut loisir d'observer son visage, après l'avoir retournée du bout de son sabre. Il était nettement plus humain que ceux des autres ennemis qu'on leur opposait, mais elle affichait l'air niais de ceux qui, écrasés par le poids de leur propre nature, sont consciemment à la merci de la Fatalité, et qui ne trouvent pas d'autres remède que de pleurer sur le sort qui leur est attribué par le Ciel. Himiko avait en outre la satisfaction de voir que cet ennemi, elle l'avait surpassée en tout. La femelle zombifique était belle, mais Himiko l'était plus encore. La femelle zombifique était enragée, la descendante d'Amaterasu o-mikami était lucide. La femelle zombifique était morte, la princesse dauphine était vivante et indemne. La femelle zombifique avait perdu lamentablement, l'Envoyée du Paradis se tenait victorieuse, et bientôt triomphante.

Il demeurait une ombre au tableau, car elle comprit que les dégâts improbables étaient probablement due aux armes mystérieuses fournies par Gantz, avec un exemplaire desquels Ueno Akane s'approchait, et non à son exorcisme.

*Ah ! C'est le pied ! J'en regretterais presque que Kugen-sama ne soit pas là pour assister à mon triomphe. Je savais que j'aurais dû prononcer l'intégralité de l'exorcisme... Enfin, je ne suis que princesse pour l'heure, normale que je ne puisse pas tout avoir. On en reparlera quand je régnerais sur ce monde en tant qu'Impératrice.*

La cavalerie arrive toujours trop tard. Bien que l'attitude de la virago n'avait rien de particulièrement cavalier en soit. Aussi, la noble salua-t-elle son arrivée, à la façon importée par les escrimeurs occidentaux, en essorant sa lame.

"Bienvenue, Ueno-san. Qu'elle est l'évolution du champ de bataille ?"

La description de la situation qui s'en suivie était très factuelle et professionnelle, ce qui donnait de la jeune femme une bonne impression à Himiko, se considérant déjà comme sa futur patronne. A côté, ce gueux d'écrivain semblait pitoyable à la princesse. Il fallait néanmoins faire quelque chose. Kuma était parti. Kentaro était quasiment mort et Vargas à son chevet. Lee et Juliette étaient déjà morts. Le nombre de ses sujets et boucliers humains avait diminué dramatiquement en seulement quelques échauffourées. Elle retint un soupir, et lança un regard fatigué à Akane, lui signifiant qu'elle comprenait mais qu'il fallait attendre encore un peu.

"Le vieillard étranger et Kentaro-kun, le shonen, se trouvent plus loin dans le couloir. Kentaro est blessé et inconscient, mais nous n'avons pas les connaissances nécessaires pour le soigner. Je ne pense pas qu'on puisse le bougé sans aggraver sa situation."

Himiko posa le sabre sur le sol de l'hôpital, le gardant à ses côtés, et s'agenouilla devant Sakyo, qui les regardaient avec ses yeux larmoyants. Himiko n'avait jamais vraiment eut de job de nourrice ou de garde d'enfants, son statut social la plaçant à l'abri du besoin et du fléau des pleurnicheries langeuses. Mais elle n'était pas pour autant insensible aux émotions d'autrui. Il fallait user de méthodes draconiennes pour le remettre d'aplomb. Himiko avait penser à lui crier dessus, imitant les appels furieux d'un éditeur de roman dont les vache à lignes écrivains sont en retard, mais elle préféra noter l'idée dans un coin de sa tête et la garder pour plus tard.

A la place, Himiko l'enlaça doucement et, passant une main sur l'occiput du jeune homme, elle fît s'incliner sa tête de sorte à la plaquer contre sa poitrine généreuse, puis, instinctivement, caressa la longue chevelure soyeuse de Sakyo (et constata avec une fureur contenue qu'ils étaient nettement plus épargnée que les siens par les combats). Il y avait sans doute tout une théorie freudienne perverse faisant le lien entre les nibards d'une femme et le côté rassurant et maternel qu'ils pouvaient procurer, mais Himiko n'était pas aussi savante que son père, son oncle et ses cousins. Elle espérait juste que ça l'aiderait à se calmer et à se ressaisir.

Il était peut être inutile en tant que chef et n'avait aucun sens tactique, contrairement à elle, et il était en outre indiscipliné et insolent. Mais il en allait de l'importance vitale du travail d'équipe...

... Après tout, ça sert à partager les tirs ennemis. Et puis, un bouclier humain immobile ou qui se barre au moment où on en a besoin pour se protéger, c'est pis qu'inutile, c'est nuisible.

Yarashin eût la satisfaction de voir leur attaque combinée porter ses fruits, scindant la créature en deux jusqu'au bassin, puis la surprise de voir leur victime exploser.
Mais comment? Les autres infirmières...
Il comprit finalement en voyant arriver la militaire dont la combinaison luisait par intermittences.
L'équipement fonctionne plus haut.
Après avoir extrait les bouts d'organe de ses cheveux, épongé son visage et bricolé un bandage avec ce qu'il restait de literie au brancard, il sortit son portable, qui s'alluma sans problèmes.

Code:

nurse
armes variées
se dirige au son et à la lumière
très résistante
peut-être facilement leurré

nurse brune
esquive en se déboitant les articulations
armée d'un revolver gros calibre
extrêmement résistante
attaque combinée requise

Il sortit une carte mémoire et l'inséra dans la fente du lecteur SD pour y charger quelques fichiers.
Ceci fait, il rangea la carte, ferma son portable et prit enfin la parole.
Ueno, votre équipement fonctionne?

Le regard fatigué de la noble Himiko était aussi explicite que ses paroles, elle préférait qu’ils restent sur place, or la militaire se disait qu’il vaudrait mieux bouger vers les étages supérieurs, et ce dans les plus brefs délais, voire de suite, si cela avait été possible. Sans qu’elle en ait conscience, son instinct rejoignait ainsi le raisonnement intellectuel de Yarashin Zurui, le stratège collecteur d’informations débrouillard du groupe. D’ailleurs, ce dernier se mit à utiliser son ordinateur portable, tout en demandant à la japonaise si son équipement fonctionnait. Bien sur, il l’avait vue à l’œuvre, il savait par conséquent que le matériel fonctionnait. Non, en fait, la question sous-entendue dans cette première interrogation était bien plus subtile que cela, elle incluait de savoir si l’équipement fourni par Gantz allait continuer à fonctionner, ce qui demandait donc une réponse d’une tout autre portée qu’une simple affirmation sans conséquence.

"Jusqu’ici, tout va bien."

Répondit-elle en observant la noble en train de réconforter avec panache un Sakyo blessé et en larmes. Ca aurait fait une belle photo pour la gloire de Himiko, qui malgré sa nature divine pouvait se pencher sur ses sujets mortels afin de leur redonner du cœur à l’ouvrage. D’après le peu qu’elle connaissait de l’écrivain, il n’était guère certain que cela apaise sa douleur. Dans son esprit, les intellectuels romanesques avaient tendance à être des gauchistes convaincus de leurs pensées naïves, mais au minimum, le geste diplomate de la noble toucherait-il l’homme dans son orgueil et l’amènerait à faire front à la réalité, aussi dure fut-elle. Se rendant alors compte que sa réponse était somme toute assez courte, un rien trop brève, et voyant sa tenue luire à priori un tout petit peu moins fort, Akane parvient à une certaine conclusion et elle poursuivit après quelques instants de silence :

"Néanmoins, mon instinct et mes observations m'amènent à penser que l’équipement fonctionne de façon optimale dans les étages supérieurs."

Puis à la noble en détresse capillaire :

"Himiko-san, vous êtes peut-être à ce jour la seule noble japonaise à avoir été élue par Gantz. L'élue divine. La future impératrice. Dans ce cas, vous devriez vous sacrifier en acceptant d’être défendue dans les meilleures conditions, le plus vite possible pendant que nos valeureux alliés défendraient héroïquement cette position. S’il le faut, je suis prête à rester pour couvrir votre repli vers les étages supérieurs et votre salut."

Tout en prononçant ses paroles, Akane avait pleinement conscience d’accorder bien plus d’importance à la vie de la noble qu’à celle des autres gantzers, mais elle était toujours une militaire et elle se devait de protéger la jeune femme en priorité absolue. Si elle échouait, son déshonneur serait total. A ses yeux, la survie de la noble était importante que celle de Sakyo, que celle Zurui, que la sienne et aussi cruciale que celle de Takeshi, c’était dire si elle importait, pensait-elle en demeurant sur le qui-vive. Il demeurait aussi un élément à ne pas négliger, c'était la possibilité que l'efficacité de leur équipement ne soit pas altérée par le degré d'ascension dans ce lieu morbide, mais la japonaise estimait que ce n'était pas à elle d'évoquer cette antithèse.

Quand Himiko enlaça le pauvre écrivain, ce dernier sentit comme un grand malaise. Ce n'était pas le fait de s'être senti blotti contre une telle poitrine, mais plutôt le fait que cela relève l'ampleur de sa faiblesse. Et puis ce n'était pas seulement une question d'orgueil: il sentait qu'il y avait quelque chose de faux dans cet acte. A quoi pouvait-elle penser au juste? Essayait-elle de garder une figure divine en ayant tenté un exorcisme des plus parodiques? Ou bien essayait-elle de se forger l'image d'une personne bonne et délicate? Il fallait être juste: depuis le début, elle s'était montrée parfois téméraire, mais souvent froide. Il s'en était souvenu lorsqu'elle avait vu que cet homme qu'ils avaient accidentellement tué. De même, Konoe et le pompier étaient morts, mais elle n'avait franchement l'air désolé...

"Lâche moi!"

Il s'était dégagé en passant son bras maladroitement entre son visage et le buste de la princesse. De son avant-bras, il l'avait alors poussée, se laissant lui même tomber sur le sol froid. Il aurait voulu la traiter de menteuse, d'hypocrite. Il aurait voulu jurer en mettant en doute son efficacité au rang d'impératrice. A ce moment là, Sakyo avait troqué le respect qu'il lui vouait depuis le début pour une haine incommensurable, bien que loin d'être aussi grande que celle qu'il vouait à Antonio. Mais au lieu de ça, il ne trouva qu'une chose à dire...

"Kentaro et Oji sont les plus blessés. Occupez-vous en, moi je resterais en vie."

Le romancier avait ensuite lancé un regard de détresse vers Zurui, celui qu'il estimait le plus actuellement. Sous-entendant que quitte à être assisté, il aurait préféré l'être par lui. En tout cas, il avait fini par cesser de pleurer, bien que la peine ait encore continué de l'étrangler, retenant ses pleurs. Non seulement c'était un échec pour lui, mais en plus, ses alliés étaient morts et il se retrouvait avec une femme narcissique et hypocrite. Il n'avait vraiment plus rien pour rehausser le peu d'estime qu'il pouvait lui rester.

Zurui nota le discours de la militaire avec un sourcil froncé.
La future impératrice! Voilà d'où vient cette suffisance.
Le geek n'avait guère de considération pour la nature divine de la bretteuse, mais ses capacités de combat lui valait un certain respect, du moins pour les combats.
Ignorant quoi répondre aux appels de détresse du ""leader"", il se leva pour retirer quelque chose des infirmières.
Il s'agissait bien évidemment des clous, qu'il remit dans leur sachet.
Continuant sa besogne, il relança la discussion d'un ton monocorde.
Le matériel électrique tombe lui aussi en panne au bout d'un moment.
Je suppose-uhn- qu'il s'agit de radiations émises depuis le sous-sol, plus précisément à la verticale de cet endroit.
L'otaque pointa une ligne imaginaire dans le couloir, un peu avant un cadavre allongé par terre avant de se baisser pour récupérer une chaussure qu'il remit en prenant bien garde cette fois à fixer les pastilles.